Dans un contexte inflationniste, marqué par de nombreuses crises économiques (Covid-19, conflit Russo-Ukrainien…), la variation des prix d’un marché public s’inscrit comme l’un des principaux remparts contre les bouleversements de l’équilibre contractuel.

Pour les marchés conclus à prix définitif[1], la variation ou non des prix (actualisation, révision par formule paramétrique ou par ajustement) est – en principe – librement définie par les acheteurs en tenant compte du secteur économique concerné et des caractéristiques du besoin à satisfaire. Pour une approche pédagogique de ces différentes notions, voir notre infographie.

Il est toutefois des cas dans lesquels une variation des prix s’imposera :

  • Le prix révisable est obligatoire lorsque les parties sont susceptibles d’être exposées à des aléas majeurs du fait de l’évolution raisonnablement prévisible des conditions économiques. Ex : achat de matières premières agricoles ou de denrées alimentaires (R. 2112-13 du CCP).
  • Le prix révisable est obligatoire pour les marchés dont la durée d’exécution est supérieure à 3 mois et qui nécessitent le recours à une part importante de fournitures, notamment de matières premières, dont le prix est directement affecté par les fluctuations des cours mondiaux (R. 2112-14 du CCP).
  • Un prix ferme actualisable OU un prix révisable est obligatoire pour des travaux ou des fournitures ou services autres que courants. En d’autres termes, un marché à prix ferme non actualisable est interdit pour tous les travaux ou certains services ou fournitures (R. 2112-10 du CCP).

A une époque non pas si lointaine, certains acheteurs bénéficiaient d’un régime juridique assoupli puisqu’ils échappaient à l’obligation d’actualiser ou de réviser les prix d’un marché conclu à prix définitif.

En effet, l’article 17 du décret « marché public » de 2016 [2] qui définissait la notion de prix définitif et envisageait les différentes situations dans lesquelles une variation était obligatoire, précisait expressément que ce cadre ne s’appliquait qu’aux acheteurs suivants : État, ses établissements publics autres que les EPIC, collectivités territoriales, leurs établissements publics et leurs groupements.

A contrario, tous les autres acheteurs qui n’étaient pas énumérés dans cette liste (SEM, SPL, SA HLM, associations…) échappaient à ces obligations lorsqu’ils entendaient conclure un marché à prix définitif.

Ces derniers avaient donc le loisir de conclure, en toutes circonstances, un contrat à prix ferme, non actualisable. Bien que cela puisse paraître économiquement (très) discutable, convenons-en !

Rappelons d’ailleurs que si un acheteur pense faire une économie en ne prévoyant pas de variation dans son marché public, par crainte de voir les prix grimper en flèche en cours d’exécution, les entreprises un tant soi peu averties pourront :  

– Soit ne pas prendre le risque de répondre à la consultation = infructuosité ;  

– Soit proposer d’emblée des prix initiaux plus élevés que la normale, afin d’anticiper et d’absorber de futures et éventuelles fluctuations économiques = fausse économie.  

Bref, rien qui ne vaille réellement !

Les choses ont quelque peu évolué depuis l’adoption du code de la commande publique puisque le législateur n’a pas repris de disposition similaire, différenciant les acheteurs « lambda » des « autres » acheteurs en matière de prix définitif[3].

Il s’est en effet contenté de reprendre la définition du prix définitif et de lister les cas dans lesquels une variation des prix s’imposait. Ni plus, ni moins.

A la différence des textes qui le précèdent, le code de la commande publique ne procède donc plus à aucune distinction selon le type d’acheteur.

Et comme un célèbre adage le dit si bien : « Ubi lex non distinguit nec nos distinguere debemus » (Il n’y a pas lieu de distinguer là où la loi ne distingue pas).

Au grand dam de certains de ces « autres acheteurs », nostalgiques d’une époque désormais révolue qui leur permettait de passer du « ferme-ferme », tous les acheteurs qui entendent conclure un marché à prix définitif doivent désormais s’interroger sur le caractère obligatoire ou non d’une variation de prix.

N’est-ce pas mieux ainsi… ? 😉


[1] Les acheteurs peuvent conclure un marché à prix définitif ou à prix provisoire, conformément aux articles R. 2112-7 et R. 2112-15 du CCP. A noter toutefois que l’État, ses établissements publics autres que les EPIC, les collectivités territoriales, leurs établissements publics et leurs groupements, ne peuvent conclure un marché à prix provisoire que dans certains cas limitativement énumérés.

[2] Décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics.

[3] En revanche, ces « autres acheteurs » bénéficient toujours de la liberté de conclure des marchés à prix provisoires, contrairement à leurs homologues qui ne peuvent y recourir que dans des cas bien définis (v. supra).