Dans un contexte inflationniste, les formules de variation dans les contrats de la commande publique sont plus que jamais essentielles.

Essentielles, pour ne pas dire obligatoires ! Puisque le Code de la commande publique impose dans certains cas l’inclusion d’une formule de variation des prix.

Si contre vents et règlementation, l’acheteur décide malgré tout de conclure un contrat sans formule de variation, la consultation peut-elle être mise en péril ?

Rien n’est moins sûr si l’on se fie à l’ordonnance du Tribunal administratif de Rennes rendue 14 avril dernier.

En l’espèce, un acheteur a lancé un dialogue compétitif en vue de l’attribution d’un marché portant sur la construction d’un navire de recherche semi-hauturier.

L’un des candidats évincés a attaqué la procédure en reprochant à l’acheteur de ne pas avoir prévu de formule de révision des prix, en contravention de l’article R. 2112-14 du Code de la commande publique.

Rappelons qu’aux termes de cet article « Les marchés d’une durée d’exécution supérieure à trois mois qui nécessitent pour leur réalisation le recours à une part importante de fournitures, notamment de matières premières, dont le prix est directement affecté par les fluctuations de cours mondiaux comportent une clause de révision de prix incluant au moins une référence aux indices officiels de fixation de ces cours […] ».  

Et justement, le contrat concerné cochait toutes les cases : le délai d’exécution était bel et bien supérieur à trois mois et les prestations nécessitaient le recours à une part importante de fournitures dont le prix est directement affecté par les fluctuations des cours mondiaux.

Jackpot pour le requérant, direz-vous ? Que nenni !

L’ordonnance confirme dans un premier temps que l’acheteur était en faute en ne prévoyant pas de formule de révision. Elle ajoute que ce non-respect de la réglementation constitue effectivement un manquement de l’acheteur à ses obligations de mise en concurrence.

Restait à déterminer si un tel manquement était susceptible de passer au travers des mailles du filet « SMIRGEOMES » (CE, sect. 03/10/2008, n°305420). Rappelez-vous, ce fameux filtre en vertu duquel la recevabilité des moyens est conditionnée au fait que les manquements aient lésé l’entreprise ou aient été susceptibles de l’avoir lésée (Voir notre article : Vers un renforcement de l’effet utile du référé précontractuel ?).

Ce à quoi la juridiction rennaise répond par la négative en considérant qu’il ne ressort pas de l’instruction que : « ce manquement, eu égard à sa portée et au stade de la procédure auquel il se rapporte, aurait lésé ou serait susceptible d’avoir lésé [le requérant], qui a pu présenter utilement une offre et ne précise pas en quoi le chiffrage de son offre, notamment financière, en aurait été rendu particulièrement difficile ».

Lorsqu’on songe à l’actuelle volatilité des prix et à plus forte raison lorsqu’il est question de fournitures « directement impactées par les fluctuations des cours mondiaux », la position du juge qui affirme que l’entreprise n’aurait pas précisé en quoi l’absence de révision aurait complexifié son chiffrage peut paraître stricte.

Et ce, d’autant plus que l’entreprise dénonçait expressément avoir été contrainte de provisionner pour anticiper la hausse des prix, l’empêchant de produire une offre économiquement plus intéressante.

TA Rennes, ord. 14 avril 2023, n°2301645