La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) vient d’apporter une belle précision sur un sujet qui intrigue régulièrement les acheteurs : jusqu’où peut-on aller dans la modification des clauses financières d’un contrat public sans devoir tout relancer ?
L’affaire concernait un accord-cadre attribué au prix le plus bas, dont la rémunération avait été réaménagée — un petit jeu d’équilibre entre part fixe et part variable, sans gonfler réellement la valeur totale du contrat.
Dans l’idée, on reste sous le seuil des modifications de faible montant uniquement en réalisant un jeu de vase communicants (j’enlève 50, je rajoute 60, et je retiens 1 !).
Certains y voient une modification « substantielle », interdite sans nouvelle mise en concurrence en principe.
Mais la Cour – une fois n’est pas coutume – choisit la nuance et la souplesse.
👉 Première leçon : implicitement mais nécessairement, la Cour nous invite à nous souvenir qu’une modification de faible montant n’est pas systématiquement légale, car toute modification, quelle qu’elle soit, qui changerait la nature globale du contrat serait nécessairement irrégulière, donc interdite.
👉 Deuxième leçon : l’article 72 de la directive 2014/24 distingue bien deux notions :
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les modifications substantielles, qui auraient pu influencer la compétition initiale ;
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et les modifications changeant la nature globale du marché, autrement dit celles qui transforment le contrat dans son ensemble.
Toutes les modifications substantielles ne sont pas des changements de nature globale du contrat. Pour tomber sous le coup de cette interdiction, il faut une transformation profonde. La Cour précise que dans le contexte d’un accord-cadre il s’agit d’un changement d’objet de l’accord-cadre ou d’un changement de type d’accord-cadre (bons de commande → marchés subséquents, et vice versa🎶).
👉 Troisième leçon : une modification de la méthode de rémunération, même si elle influe sur la structure du prix, et même si elle aurait été de nature à influer sur la procédure d’attribution, n’emporte pas un changement de nature globale du contrat, dès lors qu’elle reste marginale dans son effet global.
Bref : tant qu’on ne touche pas aux fondations ni aux murs porteurs, on peut toujours repeindre les cloisons.
👉 Quatrième leçon : la Cour laisse toutefois une porte entrouverte en réservant le cas des « circonstances exceptionnelles ». Dans de telles circonstances, une modification de la rémunération pourrait être assimilée à un changement de la nature globale du contrat. Si la révision bouleverse l’économie du contrat au point de rendre le titulaire nettement plus favorisé qu’avant, là, on franchit la ligne rouge.
💬 En résumé : la CJUE valide la possibilité de modifications “sèches” de prix… mais à condition de ne pas dérégler l’équilibre initial du contrat. Un signal clair pour les acheteurs : la flexibilité n’est pas un gros mot, tant qu’elle reste proportionnée et loyale.