L’abandon de pénalité est-elle condamnable ?

L’abandon de pénalité est-elle condamnable ?

Dans un récent arrêt du 1er juillet, la Cour des comptes en formation contentieuse a condamné un ordonnateur pour n’avoir pas liquidé les pénalités de retard, en affirmant nettement que « l’absence de liquidation des pénalités de retard constitue une infraction aux règles relatives à l’exécution des recettes et des dépenses » … Mais est-ce vraiment aussi simple que ça ?

Pour remettre les choses dans leur contexte : la réforme de la responsabilité financière des gestionnaires publics du 1er janvier 2023 est au coeur du sujet.

En premier lieu parce qu’elle a supprimé la Cour de discipline budgétaire et financière (CDBF) pour confier son contentieux à une chambre contentieuse de la Cour de comptes (CDC). A la base, l’affaire en litige n’est jamais que la poursuite d’une affaire déjà jugée par la CDBF le 23 novembre 2022. (Garder ce lien en tête n’est pas anodin pour analyser la décision de la CDC !)

En second lieu parce qu’elle a assoupli (enfin, sur certains points :D) le régime de responsabilité en question. En effet la CDC rappelle à plusieurs reprises dans sa décision que cette loi doit s’appliquer immédiatement en vertu du principe de rétroactivité « in mitius » : la rétroactivité de la loi pénale plus douce.

Or la loi requiert la réunion de trois conditions pour condamner l’ordonnateur.

1ère condition : il faut caractériser une infraction aux règles à l’exécution des recettes et des dépenses publique.

Et déjà sur ce point rappelons que si la formule de la CDC est sans appel – l’absence de liquidation des pénalités est une infraction – pour autant la CDBF dans la même affaire avait eu la même position en rappelant que « les pénalités devaient être liquidés pour ce motif faute de la renonciation expresse de la personne publique auxdites pénalités« .

En effet nous avions déjà pointé cet élément dans un précédent billet mais ce qui pêchait réellement en arrière-plan c’était la méthode, moins que le principe, de renonciation aux pénalités : en application des règles budgétaires et comptables des pièces justificatives de la dépense, comme de la non-dépense en l’occurence, doivent être fournies au comptable public.

Cette perspective permet de comprendre la compatibilité de la position des juridictions financières avec celle du juge administratif qui persiste à dire que la renonciation aux pénalités est un pouvoir contractuel, donc une faculté pour la personne publique contractante (CE, 9 novembre 2018, SAS Savoie, n° 413533 ; v. spéc. les conclusions de G. Pellissier sur l’arrêt qui rappelle que les pénalités peuvent même être négociées lors de l’établissement du décompte).

2e et 3e condition : il faut caractériser une faute grave ainsi qu’un préjudice financier significatif pour la personne publique.

En l’espèce la Cour a estimé que l’ordonnateur avait fait preuve de négligence très importante pour s’être totalement désintéressé du dossier et l’avoir laissé gérer par son adjoint dont il connaissait « les faiblesses en la matière » (disons donc l’incompétence mais au sens neutre de ce terme).

Elle juge également le préjudice financier comme étant significatif puisque le montant global des pénalités s’élevait à plus de 150.000 euros ! 

Par conséquent ce n’est pas toute renonciation aux pénalités qui met en danger les acheteurs, mais, toujours la même rengaine : les renonciations pour n’importe quoi faites n’importe comment.

Il serait donc dommage de ne retenir de cette décision QUE les deux points suivants, qui demeurent très vrais néanmoins :

  • la mise en débet du comptable public ne dégage pas l’ordonnanteur de sa propre responsabilité ;
  • même en présence de délégations de signature, l’ordonnateur-délégant conserve la responsabilité des actes accomplis par ses subordonnés pour son compte et n’est donc pas dégagé de sa responsabilité.

Cour des comptes, Arrêt n° S-2025-0944 du 1er juillet 2025