La commande publique est érigée sur de grands principes et parmi eux, on retrouve notamment celui de l’impartialité. Autrement dit, non au conflit d’intérêt ! La méconnaissance de ce principe est constitutive d’un manquement aux obligations de publicités et de mises en concurrence.
Rappelons en effet qu’aux termes de l’article 5 du décret relatif aux marchés publics : « L’acheteur prend les mesures appropriées pour que la concurrence ne soit pas faussée par la participation à la procédure de passation du marché public d’un opérateur économique qui aurait eu accès, du fait de sa participation préalable directe ou indirecte à la préparation de cette procédure, à des informations ignorées des autres candidats ou soumissionnaires ».
Pour élaborer certains dossiers de consultation il est loisible pour tout acheteur de faire appel à un assistant maitrise d’ouvrage. Toutefois, qu’arrive-t-il si cette même personne est employée postérieurement par une entreprise amenée à répondre au marché fraichement élaboré ?
En l’espèce, un AMO a participé à l’élaboration d’un dossier de consultation en fournissant des informations préalables au montage du dossier relatif à la collecte de déchets ménagers. Ce même AMO a ensuite rejoint une autre société, qui s’est vu attribuer le marché concerné. Une société évincée a donc saisi le juge des référés pour conflit d’intérêt… En l’occurrence les juges du tribunal administratif ont effectivement annulé la procédure au motif qu’un doute était né sur l’impartialité de la procédure suivie par le pouvoir adjudicateur.
Cela ne s’est pas arrêté là, puisque la société attributaire et l’acheteur ont formé un pourvoi devant le Conseil d’Etat qui a annulé le jugement des tribunaux administratifs. Pour les juges du Palais Royal, le fait de retenir l’entreprise qui employait désormais l’ex AMO n’équivalait pas nécessairement à un conflit d’intérêt.
Autrement dit il n’est plus suffisant de constater l’existence d’un doute ou d’un risque que la société attributaire ait pu obtenir des informations confidentielles à l’occasion de la participation de l’un de ses salariés à la mission d’AMO. Ces éléments ne sont plus susceptibles à eux seuls d’engager l’impartialité de l’acheteur. Le pouvoir adjudicateur n’est tenu d’exclure un candidat que si celui-ci a eu accès à des informations ignorées des autres candidats ou et susceptibles de créer une distorsion de concurrence.
Dans le cas d’espèce, la place de l’AMO en cause est à relativiser étant donné que celui-ci s’est retiré avant l’élaboration du dossier de consultation et n’a participé qu’à la collecte d’informations. De plus le fait d’avoir demandé à tous les candidats de fournir une lettre de candidature de type DC1 comportant une déclaration sur l’honneur sur l’absence d’interdiction de soumissionner et en l’absence d’indice propre à caractériser l’existence d’une situation de distorsion de concurrence, il ne peut être reproché à l’acheteur de ne pas avoir pris de mesure supplémentaires.
Voilà donc une vision a priori assouplie sur les conditions propres à déterminer une situation de conflit d’intérêt et d’impartialité[i], ne nous contentons plus d’en douter !
CE, 12 septembre 2018, Société Otus, n° 420454
[i] Voir en ce sens décision CE, 14 octobre 2015, n°390968