Dans une affaire récente, la Cour administrative d’appel a apporté un éclairage intéressant (à confirmer par le Conseil d’État ?) quant à l’appréciation du caractère imprévu de circonstances permettant de modifier le contrat.
Une procédure de passation avait été engagé pour l’attribution d’une concession. Il s’agissait d’interventions de dépannage, remorquage et mise en fourrière de véhicules sur le réseau routier et autoroutier géré en régie par l’acheteur.
Forts de cette information, nous pouvons maintenant comprendre que le nombre et la localisation des dépôts des candidats revêtait une importance certaine.
Or, un incendie s’était déclenché postérieurement à l’attribution du contrat mais avant sa signature, dans lequel l’un des dépôts de l’attributaire fût détruit.
Une société évincée faisait valoir que l’acheteur aurait dû renoncer à signer le contrat et lancer une nouvelle procédure de passation en ce que cet évènement venait « bouleverser l’économie générale du choix des attributions » (quelle formule étrange…), et faire disparaître un élément essentiel du contrat.
Le juge versaillais nous répond.
Le point de départ de son argument est que l’article 36 du « décret marchés » de 2016 – devenu Article R2194-5 du CCP – prévoit que « le marché peut être modifié lorsque la modification est rendue nécessaire par des circonstances qu’un acheteur diligent ne pouvait pas prévoir ».
Une fois rappelée cette disposition, la CAA affirme que l’évènement n’était pas prévisible parce qu’il est intervenu « après l’attribution ».
Pour autant l’administration en a été dûment informée avant la signature – le juge s’appuyant sur cette circonstance pour écarter tout vice du consentement.
Mais alors, l’imprévisibilité dont parle le Code devrait donc s’apprécier non pas au jour de la signature mais au jour de la décision d’attribution ?! Pas évident quand on sait qu’il peut se passer presque 1 an et demi entre certaines attributions et certaines signatures (voir notre billet « Quel délai pour communiquer le rejet ? »).
Reste qu’il s’agit de circonstances tout à fait exceptionnelles et d’un cas plutôt cocasse de modification du contrat avant même la signature du contrat…