Le concours de maitrise d’œuvre est une technique d’achat permettant de choisir un projet architectural. La France est le pays européen l’utilisant le plus fréquemment et pour lequel ont été instaurées des spécificités qui le rendent unique au niveau international.

Cette technique est soumise à des règles précises, qui garantissent l’égalité de traitement entre les concurrents.

Dans notre cas, un candidat évincé saisit le juge du référé précontractuel. Il reproche au jury d’avoir levé l’anonymat de façon précoce, ainsi que la divulgation des éléments des offres aux autres candidats, dont certains couverts par le secret industriel et commercial. Quelles sont les obligations de l’acheteur concernant l’anonymat et la confidentialité en concours?

La levée précoce de l’anonymat

Comme nous vous l’indiquions dans notre infographie sur les phases de concours de maîtrise d’œuvre, l’anonymat n’empêche pas les demandes de précisions relatives aux projets présentés.

Cependant l’article R2162-18 du Code de la Commande Publique prévoit expressément la chronologie de ces requêtes :

  • Le jury examine les plans et projets présentés de manière anonyme.
  • Il consigne dans un procès-verbal, signé par ses membres, le classement des projets ainsi que ses observations et, le cas échéant, les points d’éclaircissements et les questions correspondantes qu’il envisage de poser.
  • L’anonymat des candidats peut alors être levé.
  • Le jury demande ensuite aux candidats de répondre aux questions consignées précédemment dans le procès-verbal.

En l’espèce, le jury de concours avait demandé au candidat classé second de faire évoluer son projet, en termes de qualité notamment, avant de lever l’anonymat. Suite à la réponse de ce dernier un nouveau classement des projets avait été mis en œuvre, celui-ci étant désormais le mieux classé.

On peut constater ici deux irrégularités. La première est le dialogue mis en place par le jury de concours, qui va bien au-delà de la demande de précisions sur le projet mais qui met plutôt en place une négociation. Le candidat a ainsi été invité à modifier de manière substantielle son offre, en contradiction avec l’article précité qui ne prévoyait que des clarifications.

De surcroît, un nouveau classement a été fait alors même que l’anonymat était déjà levé, ce qui le vide évidemment de toute substance !

Ce jury, s’étant octroyé beaucoup trop de libertés, a donc créé une rupture d’égalité de traitement entre les candidats. Ce ne sont pas les seules irrégularités constatées, puisque le requérant se plaint de la divulgation des éléments graphiques des projets à l’ensemble des candidats !

La divulgation irrégulière des projets des autres candidats

Notre jury de concours, décidément peu au fait des procédures, a tout bonnement adressé un courrier général contenant ces éléments afin que les candidats puissent « défendre leur projet » devant l’assemblée à l’occasion d’une séance future.

Le candidat désormais classé premier a eu la possibilité de présenter lors de cette séance des éléments graphiques et architecturaux modifiés, malgré l’interdiction faite aux candidats, rappelée dans ledit courrier.

Cerise sur le gâteau, ce nouveau graphique semble directement « inspiré » de celui du concurrent initialement classé en première position…

Le Juge des référés annule logiquement la procédure, tant ce cas semble pouvoir servir d’exemple de tout ce qu’il ne faut surtout pas faire en concours de maitrise d’œuvre…

Tribunal administratif de Nancy, 5 juin 2023, 2301478