Qu’est-ce que le droit à communication dans la commande publique ?

Qu’est-ce que le droit à communication dans la commande publique ?

On ne saurait faire échec au droit à communication des documents administratifs en procédant à leur destruction. L’administration doit alors reconstituer les documents détruits, sauf charge manifestement disproportionnée. Et si cette destruction est accidentelle… ?

Acheteurs et autorités concédantes ne devraient pas l’ignorer : le Code des relations entre le public et l’administration intéresse aussi les contrats de la commande publique !

En effet, ceux-ci sont également des « décisions administratives », et donc des documents communicables au sens de ce Code.

Et il ressort de l’article L.311-2 que les documents de la consultation sont également communicables dès la signature du marché ou de la concession. En effet, « le droit à communication ne concerne pas les documents préparatoires à une décision administrative tant qu’elle est en cours d’élaboration ».

Et naturellement, les candidats exclus ne manqueront pas de se priver d’une telle demande (voir à ce sujet les dernières actualités sur les interdictions de soumissionner et les déposants hors-délai ; voir également l’introduction et conjoncturelle d’un cas d’interdiction de soumissionner pour les opérateurs russes).

Que risque l’Administration et plus spécifiquement le pouvoir adjudicateur qui oppose un refus infondé à une demande de communication ?

Droit à communication : les obligations des acheteurs

Rappelons tout d’abord que le contrat doit effectivement être signé et notifié à son titulaire pour que le droit à communication du public s’exerce.

Ensuite, que toute personne peut faire la demande de communication, et pas seulement les candidats non retenus.

Enfin, que le droit a communication s’exerce dans la limite du respect du secret industriel et commercial des participants à la consultation, y compris de l’attributaire. À cet égard, la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA) répertorie sur son site les grandes lignes jurisprudentielles qui permettent de distinguer éléments communicables et non communicables (voir le site de la CADA).

Pour ne pas s’y tromper, le pouvoir adjudicateur peut également saisir la CADA d’une demande de conseil !

Si le pouvoir adjudicateur oppose un refus, la personne qui a fait la demande de communication doit saisir la CADA avant d’introduire un recours contentieux. Le refus du pouvoir adjudicateur pourra être annulé, et celui-ci faire l’objet d’une injonction et/ou être condamné à une astreinte.

Et si le pouvoir adjudicateur détruit volontairement ou accidentellement les documents… ?

Droit à communication : la sanction en cas de destruction des documents

Dans un arrêt récent, le Conseil d’État a dû connaître d’une telle situation. En l’espèce, le débiteur de l’obligation de communication était le titulaire d’une concession de service public, mais la solution peut s’appliquer par analogie à toute administration soumise au CRPA.

Et le créancier de l’obligation était une association de protection des animaux, ce qui là encore ne gêne en rien la généralisation des enseignements de l’arrêt. Comme dit, toute personne physique et la plupart des personnes morales de droit privé sont titulaires du droit à communication.

Le titulaire avait procédé à la destruction des documents issus de la D.S.P. qu’un tribunal administratif l’avait enjoint de communiquer. En réaction, l’association a demandé et obtenu du même tribunal une astreinte de 50€ par jour pour communiquer les documents détruits… Saisi en appel de cette demande d’exécution, le Conseil d’État a livré une réponse empreinte de sévérité.

Concernant la destruction volontaire…

Il est affirmé que les administrations « ne peuvent en aucun cas procéder à la destruction délibérée des documents dont le refus de communication a été annulé par le juge administratif, alors même que la réglementation ne leur imposerait plus, à cette date, de les conserver ».

Conséquence : « elles sont tenues d’accomplir toutes les diligences nécessaires pour les reconstituer ».

À cela, le Conseil d’État n’émet qu’une réserve, celle de la « charge de travail manifestement disproportionnée », et sur ce point on peut ajouter que :

  • puisque la destruction est délibérée, l’appréciation du caractère disproportionné sera d’autant plus sévère ;
  • l’administration met en jeu sa responsabilité dans tous les cas, charge disproportionnée ou non.

Concernant la destruction seulement accidentelle…

Le Conseil d’État n’était pas saisi de la question mais la tranche aussi indirectement, puisqu’il rappelle que de façon générale les administrations n’ont qu’une façon de s’exonérer de leurs obligations en matière de communication. Elles doivent établir « l’impossibilité matérielle » de communiquer.

Et cela en démontrant deux choses :

  1. « des faits postérieurs au jugement ou des faits dont elles ne pouvaient faire état avant son prononcé ont rendu impossible cette communication » ;
  2. et « elles ont accompli toutes les diligences nécessaires pour assurer l’exécution de cette décision compte-tenu de la date d’élaboration des documents demandés et de la précision de cette demande ».

CE, 17 mars 2022, Sté Solution Antoine Dufour, n° 452035