Le Mercredi 4 décembre a marqué les esprits du droit constitutionnel par l’adoption de la toute première motion de censure sur utilisation de « l’article 49.3 » (en réalité alinéa 3) sous la Cinquième République. Laquelle disposition oblige alors le Gouvernement désavoué à remettre sa démission au Président de la République. Sachant que décembre n’est pas seulement la période des fêtes mais la période des autorisations budgétaires : il s’agit de voter la loi de finances. Or, une loi ne se vote pas « comme ça » (si tant est qu’un nouveau Gouvernement puisse être nommé « comme ça »…).
Les acheteurs qui fonctionnent sur bases de recettes fiscales et de subventions étatiques peuvent donc légitimement se poser la question… Comment je vais faire pour payer mes contrats si je n’encaisse plus ?!
Le gouvernement démissionnaire a interrogé le Conseil d’Etat sur l’interprétation de l’article 45 de la LOF, dont l’avis a été rendu public le 9 décembre 2024.
Attendez, la LOLF c’est quoi ?
En installant la Cinquième République dans son petit siège en 1958, le Général de Gaulle avait prévu plusieurs innovations visant à éviter les dérives parlementaires du passé, dont : les lois organiques. Ni aussi simples à modifier que les lois ordinaires, ni aussi complexes à modifier que la Constitution elle-même, elles constituent un niveau intermédiaire.
La loi organique relative aux lois de finances, dite la « LOLF » encadre ainsi le vote des lois de finances. Et elle précise en son article 45 le dispositif des lois de finances spéciales prévu par l’article 47 alinéa 4 de la Constitution : « Si la loi de finances fixant les ressources et les charges d’un exercice n’a pas été déposée en temps utile pour être promulguée avant le début de cet exercice, le Gouvernement demande d’urgence au Parlement l’autorisation de percevoir les impôts et ouvre par décret les crédits se rapportant aux services votés. »
Cette loi de finance spéciale permettrait de faire autoriser par le Parlement la poursuite de la perception des impôts existants et ce jusqu’à l’adoption d’une loi de finance pour l’année en cours.
Qu’en dit le Conseil d’Etat ?
Il lui était premièrement demandé si un Gouvernement démissionnaire pouvait légitimement mettre en oeuvre la procédure d’adoption de LFS. Ce à quoi il répond sans hésiter par l’affirmative.
En effet, un « principe traditionnel du droit public » permet au Gouvernement démissionnaire de continuer de gérer les affaires courantes, c’est à dire : celles qui relèvent de la continuité des services publics sans changement de l’état du droit et celles qui relèvent de la garantie de l’intégrité de l’Etat face à une situation d’urgence critique (CE, Assemblée, 4 avril 1952, Syndicat régional des quotidiens d’Algérie et autres, n° 86015, au Recueil).
Mais plus intéressant encore, il lui était demandé quelle était la portée de l’autorisation du Parlement, autrement dit : s’agissait-il uniquement de garantir les recettes de l’Etat ou des autres personnes publiques qui dépendent de lui ?
Bonne nouvelle : le Conseil d’Etat considère que l’autorisation de continuer à percevoir les impôts existants s’applique aux impôts qui alimentent les recettes de l’État mais aussi aux « impositions de toutes natures affectées à d’autres personnes morales », en l’occurrence l’Union européenne et… les collectivités territoriales !
Le Gouvernement a donc incessamment adopté un projet de LFS en conseil des ministres, jeudi dernier. Ce projet a été soumis à l’Assemblée nationale qui doit l’examiner ce jour, avant un examen au Sénat dans le cadre de la navette parlementaire accélérée.
La loi devrait être promulguée avant la fin de l’année.