Introduire la présente affaire en affirmant que « l’erreur est humaine » est une façon quelque peu banale d’introduire notre propos. Elle n’en n’est pas moins représentative du cas d’espèce.

Un acheteur a en effet lancé une procédure de passation pour une concession.

Suite à une première infructuosité, une nouvelle publicité a été effectuée et a permis à 2 soumissionnaires d’entrer en négociation après présentation de leur offre initiale.

Pas moins de 8 réunions ont été organisées avec chacun d’entre eux : une séance de présentation aux élus et aux services, 3 réunions plénières de négociation, et 4 journées d’ateliers thématiques, sans compter les « nombreux » échanges écrits intermédiaires[1].

Le grand jour arrive : l’acheteur demande aux soumissionnaire de transmettre leur offre finale, et leur transmet pour cela une clef USB.

Problème : un des soumissionnaires contacte l’acheteur pour l’avertir du fait que sur la clef USB se trouve un fichier portant le nom de l’entreprise concurrente, dans lequel se trouve des documents se rapportant à l’offre de son concurrent[2].

Ne pouvant que constater son erreur, l’acheteur se retrouve néanmoins dans une situation inextricable : il ne peut ni relancer la procédure (car l’erreur commise aurait perduré lors de la prochaine procédure), ni poursuivre la négociation (en raison de la rupture dans l’égalité de traitement).

Il prend donc une décision médiane : stopper la procédure de négociation, et choisir un attributaire sur la base des offres initiales, éclairées par quelques éléments de négociation.

Face à cet état de fait, le juge rappelle tout d’abord qu’aucune disposition législative ou réglementaire ne fait obligation à l’acheteur de définir les modalités de la négociation, ou de prévoir le calendrier de ses différentes phases.

En revanche, s’il décide de recourir à cette faculté, il ne peut « remettre en cause les étapes essentielles de la procédure et conditions de la mise en concurrence »[3].

Or, la remise des offres finales constitue à l’évidence l’une de ces étapes essentielles.

Le Conseil d’Etat opte toutefois pour une appréciation souple et pragmatique en considérant, qu’en l’espèce, stopper la procédure de négociation était la seule manière de préserver l’égalité de traitement entre les candidats.

Il rejette donc le recours formé par la société requérante.

L’occasion de conclure, avec une moindre banalité, qu' »une erreur ne devient une faute que lorsqu’on ne veut pas en démordre« [4].

 

CE, 8 novembre 2017, Société Transdev, n°412859

[1] Voir en ce sens le considérant n°2

[2] Considérant n°5

[3] Considérant n°4

[4] Ernst Jüger, Sur les falaise de marbre, 1939