Régularité des offres : quand le Conseil d’État joue au Scrabble avec le règlement de la consultation

Régularité des offres : quand le Conseil d’État joue au Scrabble avec le règlement de la consultation

On savait déjà que le règlement de la consultation (RC) était la Bible de l’acheteur public (sur ce point, v. notre article « Le règlement de consultation demeure-t-il obligatoire quand il est illégal ? »). Mais avec la décision du 3 juillet 2025 Société Mayotte Route Environnement (n° 501774), le Conseil d’État vient de rappeler que ce texte n’est pas seulement sacré : il est liturgique, au mot près. Si vous avez mal rangé vos prescriptions entre la rubrique « pièces à fournir » et celle « critères d’analyse », c’est toute la mécanique de l’élimination des offres qui s’en trouve chamboulée.

Car la Haute juridiction appuie une règle implacable : tout ce qui figure dans la partie « présentation des offres » est exigé à peine d’irrégularité. Mais si vous placez la même exigence dans la partie « jugement des offres », elle se transforme comme par magie en simple élément d’appréciation de la valeur technique. Autrement dit : une case cochée dans le mauvais chapitre du RC, et vous perdez le droit d’écarter une offre indigente. Vous pourrez au mieux lui coller un zéro pointé, mais pas l’envoyer directement à la corbeille.

On pourrait sourire de ce formalisme tatillon, si ses effets pratiques n’étaient pas aussi redoutables. L’acheteur consciencieux doit désormais se muer en greffier pointilleux, disséquant ses RC pour s’assurer que chaque exigence est bien logée dans la bonne case. Sinon, gare à l’offre vide de substance mais juridiquement régulière — un peu comme un mémoire technique qui dirait « je ferai au mieux » sur dix pages blanches.

La morale de l’histoire ? Dans les marchés publics, la précision du libellé n’est pas seulement une vertu stylistique : c’est une arme de survie contentieuse.

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Conseil d’Etat, 3 juillet 2025, n° 501774