Partialité de mon AMO… que faire ? Dans un précédent billet, nous évoquions la faculté pour l’acheteur de mettre un terme à son marché d’AMO en cas de « perte de confiance » dans le suivi de la procédure, en particulier dans l’analyse des offres.
Le Conseil d’État nous pose une toute autre question, corollaire, qui est celle de la possibilité pour l’acheteur de laisser perdurer une situation de conflit d’intérêts dont il a connaissance…
Depuis un arrêt Revetsens de 2015, le Conseil d’État a érigé au rang de quatrième principe fondamental de la commande publique le principe général d’impartialité qui s’applique déjà à toute autorité administrative (CE, 14 octobre 2015, n° 390968). En adéquation avec les articles L2141-8 et -10 du code de la commande publique, qui requièrent que les agents de l’acheteur (ou de l’autorité concédante) demeurent hors de toute influence des candidats eux-mêmes, ce principe général d’impartialité implique plus largement que ces agents demeurent hors de toute influence tout court.
Une telle exigence s’applique bien évidemment tant aux agents employés directement par l’acheteur (lien de subordination) que ceux dont ils s’offrent les services pour l’assister dans l’attribution et le suivi des marchés (marché public d’AMO ou de MOE). Et elle implique qu’il n’existe pas de lien privilégié entre lesdits agents et les candidats à l’attribution d’un marché.
Mais le cas d’espèce posait une problématique plus tortueuse… Le dirigeant de la société chargée de l’assistance à maîtrise d’ouvrage était également le dirigeant, non pas de l’une des entreprises candidates, mais de l’entreprise que l’un des groupements candidats désignait comme son fournisseur.
La décision est intéressante à plus d’un titre.
Tout d’abord, alors même que la violation du principe d’impartialité exige, en temps normal, une démonstration concrète, le Conseil d’État relève ici que l’AMO a été « susceptible d’influencer l’issue de la procédure » et qu’il en résulte que le maître d’ouvrage a commis une erreur en le laissant participer à l’analyse et l’évaluation des offres… La théorie des apparences n’est plus si loin !
Ensuite, et de manière tout aussi déroutante, le Conseil d’État revient à une analyse concrète pour écarter, cette fois, l’existence d’une violation d’impartialité au stade de la rédaction du DCE. Selon ses termes, « il ne résulte de l’instruction aucune circonstance de nature à faire naître un doute sur le fait que cette société aurait élaboré le règlement de la consultation et les pièces du marché de façon à favoriser l’offre qui indiquerait utiliser le logiciel commercialisé par la société avec laquelle elle partage des intérêts ».
Finalement, le maître d’ouvrage est seulement « invité » à reprendre sa procédure au stade de l’analyse des offres sans qu’y participe son AMO.
Un principe d’impartialité à deux vitesses ?