Le consensualisme, qu’est-ce à dire ? Les habitués du code civil sauront se rappeler que, en France, depuis la Révolution français, le principe est celui de la liberté et notamment de la liberté contractuelle. Et qui dit liberté contractuelle dit liberté de s’engager quelle que soit la forme de l’engagement. En d’autres termes : le consensualisme est le principe qui veut qu’un contrat n’a pas besoin de formes particulières pour exister et produire ses effets obligatoires sur les parties.
Incompatible avec les marchés publics ? S’il est vrai que le droit de la commande publique est, à l’inverse, très formaliste, la plupart des obligations procédurales ne sont, en réalité, pas des conditions de validité mais des conditions de régularité du contrat. Le contrat irrégulier n’en est pas moins un contrat qui lie les parties ![1]
Ce principe vient d’être sévèrement rappelé à la mémoire des acheteurs, dans une affaire examinée par la cour administrative d’appel de Marseille.
En l’espèce, le titulaire d’un marché public avait, en 2014, « informé » le pouvoir adjudicateur de la cession du marché au bénéfice d’une autre entreprise. Cette cession était-elle légale ? L’histoire ne le dit pas et n’en a pas besoin. (Mais si cela vous intéresse, voyez notre Infographie relative à la circulation du marché public !) En revanche, il est rapporté au juge que, faute de s’entendre sur les modalités de rémunération de prestations supplémentaires réalisées, aucun avenant n’avait jamais pu être conclu pour acter la cession.
Rappelons que si la cession d’un contrat est possible, c’est avec l’accord, en principe exprès, du cédé. L’opération est alors tripartite :
- Contrat de cession (du marché) entre l’entreprise cédante et l’entreprise cessionnaire
- Avenant de transfert autorisant la cession, entre l’acheteur et l’entreprise cédante
Faute d’avenant, la société cessionnaire avait alors agi en responsabilité quasi contractuelle (=l’enrichissement sans cause), et s’était vu déboutée, paradoxe amusant, parce que le premier juge avait estimé que l’autorisation de cession était tacitement intervenue. Le juge d’appel confirme cette analyse en s’appuyant sur le même faisceau d’indices :
- pouvoir adjudicateur (PA) dûment informé
- poursuite d’exécution non contestée par le PA
- préparation de l’avenant par le PA
- examen et aval de l’avenant par l’organe délibérant du PA
Ainsi est-il rappelé que « l’assentiment préalable de la personne publique, même tacite, suffit à rendre effective la cession d’un marché public ».
CAA Marseille, 5 juin 2023, n° 21MA00636
[1] Son irrégularité se résoudra alors en dommages et intérêts.