Le juge peut-il moduler les pénalités de retard et jusqu’à quel point ? Dans un précédent billet, nous vous invitions à faire le point avec nous sur cette vaste question.

Il avait été en particulier souligné que, si le juge dispose bien d’un pouvoir de modération des pénalités excessives – et, réciproquement, d’augmentation des pénalités dérisoires –, ce pouvoir ne saurait se traduire par la sanction automatique et mathématique de pénalités excédant un certain seuil bien déterminé de pourcentage de marché.

Entendons par là que bien que le seuil de 25% du montant du marché soit régulièrement retenu par les juges comme raisonnable, ce seuil ne peut en aucun cas être regardé comme établi. Des pénalités peuvent très bien être raisonnables et excéder ce seuil, comme elles peuvent être déraisonnables même en deçà de ce seuil (voir notre billet pour plus de précisions).

Cette absence de systématicité avait déjà été illustrée par la cour administrative d’appel de Bordeaux (pénalités de 80% du montant du marché jugées raisonnables « eu égard aux souffrances de l’acheteur »), et est à nouveau illustrée par le juge administratif d’appel nantais, cette fois !

Plus qu’illustrée, l’absence de corrélation est affirmée haut et fort par la juridiction qui statue que :

« La seule circonstance relevée par la société [requérante] que les pénalités de retard appliquées représentent 42 % du montant hors taxes du marché, soit 35 % de son montant TTC, ne suffit pas à établir leur caractère manifestement excessif. Par suite, il n’y a pas lieu de moduler à la baisse ces pénalités comme le demande la société requérante ».

On ne saurait être plus clair : le « seuil » de 25% n’en est définitivement pas un ! Le caractère manifestement excessif d’une pénalité sera apprécié in concreto, eu égard à l’argumentation rapportée de la partie qui s’en plaint :

« Il lui appartient de fournir aux juges tous éléments, relatifs notamment aux pratiques observées pour des marchés comparables ou aux caractéristiques particulières du marché en litige, de nature à établir dans quelle mesure ces pénalités présentent selon lui un caractère manifestement excessif ».

CAA Nantes, 2 juin 2023, n° 22NT00335