Peut-on être évincé d’une tranche optionnelle ?

Peut-on être évincé d’une tranche optionnelle ?

Peut-on être « évincé » d’une tranche optionnelle ? Dans une précédente Infographie relative aux tranches, nous mettions en avant le caractère par définition incertain du préjudice né de l’absence d’affermissement d’une tranche optionnelle. L’ancien vocable de tranche « conditionnelle » était d’ailleurs plus explicite, qui renvoyait à l’idée de « condition suspensive » du code civil ! Cette condition suspensive tenant à l’émission de l’ordre de service : à défaut, l’obligation n’était donc jamais « en vigueur » (on dira plus précisément qu’elle n’est pas exigible).

Le code de la commande publique, et avant lui le CMP, enfonce(nt) le clou ! Ces textes prévoyant en effet qu’en l’absence d’affermissement d’une tranche, le titulaire peut recevoir une indemnité de dédit « si le marché le prévoit » (art. R2113-6 du CCP) ; donc pas dans le cas contraire.

Dans un arrêt rendu récemment par la cour administrative d’appel de Toulouse, l’entreprise « évincé » avait néanmoins adopté un angle d’attaque particulier qui pouvait poser la même question en des termes nouveaux.

En effet,

  • d’une part, l’acheteur avait immédiatement relancé dans le cadre d’un nouveau marché la tranche non affermie ;
  • d’autre part, la résiliation du marché du titulaire s’avérait fautive, aussi le titulaire (ou son avocat) invoquait opportunément la règle selon laquelle toute faute qui cause un préjudice engage la responsabilité de son auteur !

En d’autres termes, si l’acheteur pouvait renoncer à l’exécution de la tranche optionnelle, pouvait-il pour autant le faire en narguant l’entreprise déchue ?

Sur le second point, sans grande surprise, la cour refuse de reconnaître un lien de causalité suffisant entre le préjudice de l’entreprise et la faute liée à la résiliation fautive. Et pour cause, puisque résiliation ou non, l’entreprise n’avait aucun droit à l’affermissement de la tranche.

En revanche, sur le premier point, l’hésitation pouvait naître… Mais elle fut de courte durée, la cour balayant l’argument en s’appuyant sur une lecture stricte du pouvoir discrétionnaire de l’acheteur, d’affermir ou non la tranche. Pas d’exception !

 CAA Toulouse, 19 mars 2024, n° 22TL00063