Peut-on attribuer le contrat sur la moyenne des rangs de classement ? Dans un arrêt du 7 juin 2024, le Conseil d’État est venu poser un nouveau jalon dans sa jurisprudence relative à la notation par hiérarchisation des critères.
Tandis que la pondération consiste à mettre en œuvre un ensemble de critères concomitamment en les affectant chacun d’un « poids », la hiérarchisation consiste à définir des critères et à les classer par ordre décroissant d’importance, puis les analyser indépendamment les uns des autres. Il s’agit donc d’une méthode beaucoup plus souple, qui laisse une plus grande part de liberté à l’autorité adjudicatrice.
Pour cette raison, cette technique est exclue par principe en appel d’offres (art. R2152-12 du code de la commande publique). Cependant elle constitue le principe pour l’attribution des concessions, y compris en procédure formalisée (art. R3124-5 du code).
Le Conseil d’État avait déjà pu illustrer la souplesse d’une telle technique de notation en jugeant qu’il était possible d’attribuer une note non chiffrée, et plus précisément d’attribuer une note représentée par une flèche pointant vers un point cardinal, puis de « globaliser » les notes obtenues par critères afin d’attribuer le contrat (CE, 3 mai 2022, n°460090, voir notre article pour plus de précisions).
Dans la même veine, le tribunal administratif de Nice a validé en ce début d’année la méthode d’évaluation par couleur (TA Nice, ord. 8 mars 2024, M et Mme B, n°2400856).
La question qui retenait le Conseil d’État en l’espèce ne portait pas tant sur le caractère chiffré ou non de la note, mais de la méthode de combinaison pertinente des critères retenus.
En effet, si l’autorité adjudicatrice est libre de déterminer sa méthode de notation, celle-ci ne peut amener à neutraliser la portée d’un ou plusieurs critères ou sa pondération/ hiérarchisation. La meilleure offre au regard du critère considéré doit obtenir la meilleure note sur ce critère, et l’offre présentant le meilleur avantage économique global doit être déclarée attributaire (CE 1er avril 2022, n° 458793).
En l’espèce, l’autorité adjudicatrice avait retenu un certain nombre de critères et les avait affectés d’un certain poids en fonction de leur ordre hiérarchique. Il ne s’agissait pas toutefois de pondération car elle avait ensuite calculé la note globale obtenue à partir de la moyenne obtenue, non pas sur la note des différents critères, mais sur le rang de classement obtenu par critère multiplié par le poids affecté au critère.
Exemple : si l’entreprise A obtient la meilleure note de 18/20 sur le critère X « pondéré » à 40%, le calcul de sa note globale prendra en compte non pas sa note de 18/ 20 * 40% mais son rang de classement 1 * 40%.
Le Conseil d’État censure cette méthode en considérant qu’elle neutralise la hiérarchisation des critères retenues. Car un écart de point même très important sur un ou plusieurs critères sera neutralisé – c’est le cas de le dire ! – par la conversion en rangs de classement, ramenant l’écart à un seul pauvre petit point !