Bis repetita (non ?) placent…
Il n’est pas rare pour un acheteur de constater qu’une entreprise a réalisé successivement plusieurs dépôts dématérialisés pour une même consultation.
Si la règle selon laquelle « le dernier dépôt annule et remplace le précédent » fait légion, son application n’est pas sans poser de difficultés.
L’arrêt du Conseil d’Etat, en date du 20 décembre 2021, apporte des précisions bienvenues quant à la conduite à tenir dans un tel cas de figure.
En l’espèce, une commune a engagé une procédure de passation pour l’attribution d’une délégation de service public (concession).
Une entreprise a transmis deux plis successifs sur le profil d’acheteur de la commune, l’un comportant son dossier de candidature et l’autre, une pièce complémentaire au dossier.
La commune n’a tenu compte que du dernier pli (qui ne contenait que la pièce complémentaire) et, en le regardant comme constituant la seule candidature transmise par l’entreprise, l’a rejetée comme étant incomplète.
L’entreprise qui reprochait à la commune de ne pas avoir également pris en considération le premier dépôt a formé un référé précontractuel afin que soit enjoint à la commune de procéder à un nouvel examen et classement des offres. Le tribunal administratif ayant rejeté sa requête, l’entreprise s’est pourvue en cassation.
Le dernier dépôt annule et remplace le précédent…?
Dans ses écritures en défense, la commune soutenait que seule l’ouverture du dernier pli s’imposait puisque :
D’une part, l’article R.2151-6 du code de la commande publique (CCP) dispose que « Le soumissionnaire transmet son offre en une seule fois. Si plusieurs offres sont successivement transmises par un même soumissionnaire, seule est ouverte la dernière offre reçue par l’acheteur dans le délai fixé pour la remise des offres. ».
D’autre part, le guide d’utilisation du profil d’acheteur, auquel renvoyait le Règlement de la consultation, indique aux candidats que « Si vous devez modifier ou rajouter une pièce à votre réponse déjà déposée : tout déposer à nouveau et au complet car le dernier envoi prévaut !!! ».
… Pas nécessairement !
Le Conseil d’Etat fait droit aux prétentions de l’entreprise en considérant que :
- L’article R.2151-6 du CCP, outre le fait qu’il ne s’applique pas à la passation des concessions, n’a pas pour fait effet de regarder toute transmission électronique comme une offre.
- La simple référence au Guide d’utilisation du profil d’acheteur « ne pouvait, en tout état de cause, dispenser l’autorité concédante de constater que la seconde transmission ne comportait qu’un document et ne pouvait être raisonnablement regardée comme se substituant au dossier de candidature transmis antérieurement ».
Quels enseignements à tirer?
En premier lieu, le Conseil d’Etat ne semble pas s’opposer à ce que le Règlement de la consultation prévoie une mention selon laquelle le dernier dépôt de l’entreprise remplace le précédent, à condition toutefois que la clause soit la moins équivoque possible.
En second lieu, l’acheteur qui entend ne prendre en compte que le dernier pli de l’entreprise, tant sur le fondement de l’article R.2151-6 du CCP que d’une règle ad hoc définie dans le Règlement de la consultation, ne saurait se borner à considérer que tout dépôt constitue invariablement une nouvelle offre.
Dans tous les cas, l’acheteur devra faire preuve de pragmatisme en appréciant les caractéristiques du dernier dépôt transmis afin de déterminer s’il peut raisonnablement s’analyser comme étant une nouvelle offre.
Une solution qui ravira vraisemblablement les entreprises mais dont l’application par les acheteurs ne sera pas toujours des plus aisées !