Après une quinzaine d’années de relative discrétion, le juge administratif vient rappeler qu’une cession immobilière peut parfois cacher un contrat de la commande publique. Le Tribunal administratif de Nantes (19 février 2025) réactive une jurisprudence oubliée sur la frontière entre cessions immobilières et commande publique.
Dans cette affaire, une commune vendéenne avait autorisé la vente de parcelles à un promoteur pour construire un lotissement. Des requérants ont tenté de requalifier l’opération en marché public pour imposer publicité et mise en concurrence.
Le tribunal rappelle d’abord le principe : « aucune disposition n’impose aux collectivités de faire précéder la simple cession d’un immeuble du domaine privé de mesures de publicité et de mise en concurrence ».
Mais il réaffirme une exception importante : lorsque le contrat de cession « a pour objet principal de confier à un opérateur économique la réalisation de travaux selon des spécifications précises imposées par la collectivité, pour construire des ouvrages répondant à un besoin d’intérêt général », les principes de la commande publique s’appliquent.
Ce faisant, le tribunal définit trois critères cumulatifs déclenchant l’obligation de mise en concurrence :
- L’objet principal doit être de confier des travaux à un opérateur
- Selon des spécifications précises imposées par la collectivité
- Pour répondre à un besoin d’intérêt général qu’elle a défini
En l’espèce, ces conditions n’étaient pas réunies, le compromis posant simplement comme condition suspensive l’obtention d’un permis d’aménager « sans autre précision ».
Cette résurgence jurisprudentielle s’inscrit dans un mouvement plus large d’extension des principes de la commande publique. Après les conventions d’occupation domaniale domaniale (voir notre article « Occupations domaniales : l’opacité sanctionnée » du 18/03/2025), ce sont désormais les cessions immobilières qui peuvent y être soumises lorsqu’elles dépassent la « simple cession » pour servir des objectifs d’intérêt général.
Les collectivités devront redoubler de vigilance : si la vente simple d’un terrain reste exempte de formalités, la frontière est vite franchie dès lors qu’elles imposent des conditions précises sur l’usage futur du bien ou les caractéristiques des constructions.
TA Nantes, 19 février 2025, n° 2207686