La procédure de réception des travaux dans le CCAG prévoit une série d’allers et retours entre les parties au marché de travaux, afin d’arriver à arrêter définitivement les comptes. Chaque partie a ainsi voix au chapitre dans l’établissement du décompte. Mais aucune ne peut « mettre son veto » en restant volontairement inerte. En effet, le principe est que chaque document doit être produit dans un certain délai, à peine, sinon, que la balle passe dans l’autre camp qui peut alors enchaîner sur l’étape suivante.

Aussi, si le titulaire devait manquer à établir le projet de décompte, le CCAG prévoit que le maître d’œuvre le met en demeure et, à défaut de réaction, établit lui-même, d’office, le décompte final (aux frais du titulaire…). À partir de quoi le maître d’ouvrage établit le décompte général et l’envoie au titulaire.

Mais quid si plus d’une partie a manqué à sa charge ? En va-t-il de même dans le cadre de l’établissement d’un décompte de résiliation ?

Décompte et fin anticipée du marché

« Il résulte des stipulations précitées de l’article 45 du cahier des clauses administratives générales que la procédure d’établissement du décompte de liquidation d’un marché résilié est régie par les règles posées, pour l’ensemble des marchés de travaux, par les stipulations des articles 13.3 et 13.4 de ce cahier, sous réserve de l’application des règles spécifiques fixées par les stipulations de son article 47 ».

Rappelons que dans le CCAG-Travaux 2009, l’article 45 traite des principes généraux de la résiliation, les articles 13.3 et 13.4 de la demande de paiement finale et de l’établissement du décompte général, et l’article 47 des opérations de liquidation en cas de résiliation. Ils trouvent leurs équivalents dans les articles 49, 12 et 51 du CCAG-Travaux 2021.

Or, l’ex article 47, aujourd’hui article 51, s’il prime sur l’ex article 13 devenu article 12, y renvoie aussi expressément pour l’établissement du décompte général. « Il s’en déduit que, même dans l’hypothèse d’une résiliation, le décompte général du marché doit être établi sur le fondement du projet de décompte final adressé par le titulaire du marché au maître d’œuvre ou, en cas de retard dans la transmission de ce projet, sur un décompte final établi d’office par le maître d’œuvre après mise en demeure du titulaire restée sans effet ».

De là le juge tire la conséquence qu’un décompte de liquidation établi sans que l’entrepreneur ait au préalable présenté son projet de décompte final ou ait été mis en demeure de le faire est irrégulier.

Décompte prématuré, décompte mal nommé !

En l’espèce, l’entrepreneur n’avait pas établi son projet de décompte final aussi incombait-il au maître d’œuvre de le mettre en demeure de le faire puis, sans réaction, de l’établir d’office, ce qu’il n’a pas fait. En application des règles générales, le projet de décompte général n’a donc jamais été valablement établi et transmis au maître d’ouvrage.

Ce que ce dernier a établi comme « décompte général » n’est en fait qu’un acte sans fondement et irrégulier, insusceptible de faire courir les délais de réclamation prévus (par le CCAG). En d’autres termes, en voulant aller trop vite en besogne, le maître d’ouvrage a ouvert une voie royale à son entrepreneur puisque celui-ci est toujours dans les délais pour introduire un recours en justice…

CAA Marseille, 30 janvier 2023, n° 21MA00813


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