Enrichissement sans cause et sous-traitance

Enrichissement sans cause et sous-traitance

Le sous-traitant non agréé est admis à demander le paiement des travaux réalisés sur le fondement de l’enrichissement sans cause … sous réserve de justifier que les travaux lui ont été commandés « directement ».

L’on oublie trop souvent que la théorie de l’enrichissement sans cause, si elle n’est prévue par aucun texte en droit administratif, a néanmoins droit de cité en tant que principe général du droit (CE, Sect., 14 avril 1961, n° 32468, Société Sud Aviation, Rec. p. 236).

Cette théorie peut tout particulièrement intéresser le sous-traitant qui, comme en l’espèce, s’est vu refuser l’agrément du maître d’ouvrage mais seulement après avoir réalisé les travaux…

En principe, le maître d’ouvrage engage sa responsabilité pour faute dans une situation comparable en ce qu’il a l’obligation d’imposer à l’entreprise de présenter une DC4, mais encore faut-il qu’il ait eu connaissance de l’intervention du sous-traitant sur le chantier, ce qui reste à prouver (voir notre billet).

À défaut de pouvoir prouver une faute donc, « l’entrepreneur qui a réalisé des travaux à la demande de l’administration peut prétendre, même sans contrat, sur un terrain quasi-contractuel, au remboursement de celles de ses dépenses qui ont été utiles à la collectivité bénéficiaire des prestations qu’il a réalisées ».

Il faut donc :

  • que les dépenses aient été utiles à la collectivité ;
  • que les travaux soient intervenus à sa demande, par exemple sur adresse d’un bon de commande ou d’un ordre de service.

En l’espèce, le maître d’ouvrage avait adressé un bon de commande, oui, mais à l’entrepreneur principal.

Par la suite, il avait adressé un mail plus général, incluant le sous-traitant mais aussi tous les autres intervenants au chantier, et soulignant l’urgence qui s’attachait à l’avancée des travaux. La société requérante se prévalait alors de ce courriel comme d’un ordre direct de réalisation, mais plusieurs circonstances amènent le juge à conclure que cet élément n’est pas probant :

  • le mail était général, le destinataire n’était pas ciblé et la nature des travaux à réaliser non plus ;
  • la société requérante n’était pas destinataire en tant que sous-traitante du lot litigieux, mais en tant qu’entrepreneur principal d’un autre lot « sans lien avec les travaux en litige ».

Par ailleurs, le juge rejette aussi les arguments tenant, d’une part, au fait que l’entreprise principale avait rejeté la demande de paiement du sous-traitant motif pris de ce que les travaux avaient été commandés par le maître d’ouvrage (ce qui n’engageait qu’elle…), et d’autre part, au fait que le sous-traitant avait établi un devis libellé « pour le compte de : [maître d’ouvrage] » (ce qui n’engeait que lui…).

TA Marseille, 12 avril 2023, n° 2102465