Exploitation d’une patinoire par un délégataire, attention à garder l’équilibre… financier !

Exploitation d’une patinoire par un délégataire, attention à garder l’équilibre… financier !

Si maintenir son équilibre sur des patins n’est pas toujours aisé, en matière de gestion d’une DSP, c’est l’équilibre financier qui doit primer !

Une communauté d’agglomération a confié pour une durée de 7 ans, par le biais d’une délégation de service public, la gestion, l’exploitation et l’animation d’une patinoire.

Après une période de fermeture imposée au délégataire sur quelques mois pour la réalisation d’importants travaux de rénovation des installations, le délégataire a constaté que le fonctionnement de la nouvelle installation de production de froid générait une surconsommation d’électricité.

Suite à ce constat, le délégataire a exposé à l’autorité délégante le bilan des consommations énergétiques depuis la réouverture au public de la patinoire. Il en résulte alors une demande d’indemnisation du préjudice subi en raison des surconsommations électriques constatées (coût estimé à environ 100 000€).

Etant donné le refus de l’agglomération de faire droit à cette demande, le délégataire a saisi le tribunal administratif, qui dans son jugement a statué sur une indemnisation à hauteur de 40 000€. Insuffisant pour le délégataire. L’affaire est donc soumise aux juges d’appel.

→ L’autorité délégante peut apporter unilatéralement des modifications aux contrats

Les juges rappellent d’une part que la personne publique peut apporter unilatéralement, dans l’intérêt général, des modifications à ses contrats et notamment aux modalités d’exploitation des services publics objets du contrat.

En l’espèce, la modification engagée par l’agglomération est justifiée par l’évolution de la réglementation européenne. « Le remplacement du système de réfrigération de la patinoire par un dispositif ne nécessitant pas d’hydrochlorofluorocarbures s’analyse comme une modification unilatérale de certaines modalités d’exécution du contrat effectuée par l’autorité délégante. »

→ Le cocontractant a droit au maintien de l’équilibre financier du contrat

Il reste que le cocontractant, tenu de respecter ses obligations contractuelles ainsi modifiées, a alors droit au maintien de l’équilibre financier de son contrat.

En l’espèce, un audit énergétique a établi que l’augmentation de la consommation d’électricité trouve son origine pour 82 % dans la modification de l’installation de production de froid suite aux travaux.

D’ailleurs les juges précisent que le fait que la société a connu une évolution positive de son résultat net après les travaux est sans incidence sur l’appréciation à porter sur le maintien de l’équilibre financier du contrat tel qu’il existait à la date de sa conclusion.

→ L’indemnisation peut permettre de garantir l’équilibre financier du contrat

Le délégataire sollicite donc la réformation du jugement attaqué afin d’indemniser son préjudice né de l’accroissement de sa consommation électrique à la suite de la modification apportée par l’autorité délégante au dispositif de refroidissement de la patinoire ; préjudice financier global estimé à 100 000€.

Au final, d’après l’audit réalisé après les travaux, 82 % de l’augmentation de la consommation électrique trouve son origine dans la seule modification des installations réalisée par l’agglomération. Les 18% restant s’expliquent notamment par l’augmentation de la fréquentation de la patinoire et ses conditions d’exploitation (température de la glace, son épaisseur et son surfaçage).

Les juges précisent en outre que des investissements supplémentaires, dont le délégataire avait seul la responsabilité, étaient de nature à réduire significativement les consommations énergétiques en agissant sur le taux d’humidité, la ventilation ou l’utilisation des pompes générant le système de récupération de chaleur en hiver.

Ainsi, les juges établissent une juste appréciation du montant du préjudice économique indemnisable.

Le délégataire, suite à ce jeu d’équilibre, est finalement indemnisé pour un montant de 70 000€ !

CAA de Nantes, 12_04_2021, 20NT00948, Inédit au recueil Lebon