De nouvelles précisions viennent d’être apportées quant aux conséquences à tirer de la décision Simonsen & Weel de la CJUE du 17 juin 2021 qui met un terme aux accords-cadres sans maximum.

Rappelons que la première conséquence de l’arrêt de la CJUE est la publication du décret du 23 aout 2021 n°2021-1111 qui modifie le code de la commande publique en supprimant la possibilité de faire un accord-cadre sans maximum (voir notre article : Les accords-cadres sans maximum, c’est fini !)

Les conséquences à tirer de la décision de la CJUE du 17 juin 2021

La décision de la Cour, qui s’appuie sur le principe de transparence et d’égalité de traitement dans la commande publique, nous dit 3 choses :

  • En accord-cadre, il faut toujours faire figurer la quantité ou la valeur maximale des prestations susceptibles d’être commandées ;
  • Cette information de la valeur maximale doit se faire pour chaque lot ;
  • Cette information peut figurer dans l’avis de marché ou dans le cahier des charges.

Au niveau national, le décret publié 2 mois après la décision a prévu la modification et donc l’intégration dans le code de la fin des accords-cadres sans maximum à compter du 1er janvier 2022.

Pendant ce laps de temps, c’est-à-dire entre la décision de la CJUE et l’entrée en vigueur des modifications au niveau national, que faire pour les accords-cadres à conclure ?

Les juges d’instance l’ont dit : la décision de la Cour est d’application immédiate. Il ne faut pas attendre le 1er janvier. Toutefois, dans la lignée de la jurisprudence SMIRGEOMES, la procédure de passation n’est pas annulée par le juge si le candidat évincé ne prouve pas que ce défaut de maximum l’a lésé.

En effet, dans une ordonnance du 9 septembre 2021[1] le juge précisait alors qu’en se « bornant à affirmer que, si un montant maximum avait été énoncé, elle aurait eu moins de difficultés pour calibrer son offre et que l’irrégularité résultant de l’absence de montant maximum est intrinsèquement lésionnaire, la société requérante ne justifie pas que l’absence d’indication de cette information l’aurait lésée de quelque manière que ce soit et que son offre et son classement aurait été différents si elle avait reçu cette information dès le stade de l’avis d’appel public à la concurrence ».

La question de l’application de cette règle dans le temps

Si la règlementation nationale a fixé la date du 1er janvier 2022, la jurisprudence considère l’application immédiate, voir même rétroactive.

A l’occasion de deux pourvois soumis au Conseil d’Etat relatifs à des accords-cadres lancés sans valeur maximale, le rapporteur du Conseil d’Etat a rédigé des conclusions intéressantes.

Pour le rapporteur public, il est constant que les réponses aux questions préjudicielles de la CJUE ont un effet rétroactif. Il est notamment précisé que « si des considérations impérieuses de sécurité juridique tenant à l’ensemble des intérêts, tant publics que privés peuvent justifier le maintien d’un acte illégal durant le laps de temps nécessaire aux fins de permettre qu’il soit remédié à une telle illégalité, les conditions ne pourraient être déterminées que par la seule Cour[2] ».

En l’occurrence, la décision en cause de la CJUE ne précise rien quant à l’applicabilité dans le temps de la règle énoncée.

Ainsi dans les conclusions associées à la décision, le rapporteur estime que les conséquences de cette décision ne peuvent être écartées pour les procédures engagées avant le 17 juin 2021.

Dans deux décisions soumises ici au Conseil d’Etat, les juges de première instance ont estimé que l’absence d’indication de la valeur maximale dans l’avis d’appel à la concurrence n’avait pas mis la société requérante « à même de présenter une offre adaptée aux prestations maximales auxquelles elle pourrait être amenée à répondre »[3].

Notons que dans les deux cas, l’avis d’appel à la concurrence a été publié AVANT la décision de la CJUE.

Sur la première décision : Le montant estimé dans l’avis ne portait que sur le montant global mais il n’était fait nulle part mention du montant maximum par lot.

Sur la deuxième décision : L’entreprise requérante était classée deuxième, mais pour autant les juges ont estimé que l’absence de montant maximal l’avait quand même lésé car elle n’a pas été mise à même de présenter une offre adaptée.

Il est précisé par ailleurs dans la deuxième décision que les accords-cadres de services sociaux et autres services spécifiques n’échappent pas à cette obligation d’indiquer le montant maximum.

Le Conseil d’Etat rejette ainsi les deux pourvois en cause et sanctionne les procédures de passation qui n’ont pas mentionné de maximum et qui ont été lancées avant le 17 juin, donc avant la décision de la CJUE.

Désormais il n’y a plus de doutes, depuis le premier jour de l’année les choses sont fixées, tous les accords-cadres doivent être conclus avec au moins un maximum !

CE, 7ème – 2ème chambre réunies, 28 janvier 2022, n°456418

CE, 7ème – 2ème chambre réunies, 3 février 2022, n°457233


[1] Ordonnance du TA de Montreuil du  9 septembre 2021, n°2110510

[2] CJUE Arrêt Winner Weten GmbH du 8 septembre 2010 (Aff. C-409/06)

[3] Voir point 7 de la décision CE, 28/01/2022, n°456418, et point 10 de la décision CE 03/02/2022 n°457233