La flambée des prix est une réalité chiffrée par l’INSEE :
Tel que relayé quotidiennement par l’actualité (voir brève « Comment concilier pénurie, flambée des prix et marchés publics ? »), le cours des prix de production de l’industrie française[1] ne cesse d’augmenter, mois par mois, en raison des hausses persistantes des prix des matières premières.
En résumé, sur un an, la production des industries extractives, énergie et eau a pris +4,5%, les produits manufacturés ont augmenté de +7,1%, les denrées alimentaires et boissons +0,8%, les produits de la cokéfaction et du raffinage montent en flèche de 53%, les équipements électriques, électroniques, informatiques +1%, malgré leur stabilité les matériels du transport augmentent de 2,4% et les autres produits industriels croissent de 2,5%.
Il en est de même pour la flambée des prix de l’industrie des marchés extérieurs.
Quelles sont les causes variées de la hausse de ces achats :
- La baisse de la reine des devises : le dollar
N’est pas trader qui veut, toutefois retenons simplement que le dollar est la référence internationale car il représente la devise la plus échangée. Or sa chute sur les marchés financiers et l’augmentation de son taux de change entraine automatiquement la hausse des prix des matières premières.
- Les raisons géopolitiques
Des tensions commerciales entre la Chine, l’Australie et les Etats-Unis ont des répercussions directes sur l’économie mondiale, hausse des coûts de production chinoise, augmentation du prix de l’orge et du charbon, surtaxes douanières, sont autant de facteurs qui jouent leur rôle sur l’inflation des prix et des matières premières.
- Les intempéries ont eu une répercussion sur les produits agricoles (le gel en France à la mi-avril)
- La sortie de crise du Covid-19 implique un décalage entre l’offre et la demande
Quelle est l’incidence de ces maux en matière de marché public ?
Les contrats publics en cours d’exécution subissent de plein fouet les répercussions de l’envolée des cours des matières premières. Cela se manifeste par des difficultés d’approvisionnements des entreprises qui rendent difficile le respect des délais contractuels, et impliquent un renchérissement des coûts.
Dans ce contexte, des solutions existent pour les acheteurs :
- Lors de la rédaction du cahier des charges, favoriser l’approvisionnement local[2] lorsque la règlementation le permet, diminue les risques de subir l’inflation liée aux marchés extérieurs ;
- Une clause de variation des prix adaptée (article R. 2112-13 du CCP), calquée si possible sur le rythme prévisible des fluctuations des prix ;
- Une clause de réexamen pour éviter des surcoûts excessifs. Soit en exonération de pénalités de retard, ou en prolongation des délais d’exécution pour permettre au titulaire du contrat d’étaler sur le temps son approvisionnement. Ou encore une clause exceptionnelle de variation de prix en cas de rupture d’approvisionnement de certains matériaux.
Ces clauses devront précisément indiquer leur champ d’application, la nature des modifications ou options envisageables ainsi que les conditions dans lesquelles il pourra en être fait usage conformément à l’article R. 2194-1 du CCP.
- Le recours à la médiation via la théorie de l’imprévision.
Pour les contrats en cours d’exécution qui subissent une flambée des prix qui n’était pas prévisible lors de leur signature, une prise en charge mutuelle de l’augmentation des coûts peut être négociée entre le titulaire du contrat et l’acheteur. Elle prend la forme d’une indemnisation que la personne publique octroi à son cocontractant en contrepartie du manque à gagner lié à l’inflation des matières premières. Le juge administratif estime celle-ci à environ 90% du montant de cette charge. Le reste à couvrir sera nécessairement assumé par le titulaire au titre de l’aléa économique « normal » inhérent à tout contrat[3].
Ce mécanisme jurisprudentiel[4] a été entériné à l’article L6-4°du CCP de la manière suivante « Lorsque survient un évènement extérieur aux parties, imprévisible et bouleversant temporairement l’équilibre du contrat, le cocontractant, qui en poursuit l’exécution, a droit à une indemnité ».
Dans une fiche technique récente[5], la Direction des Affaires Juridiques rappelle que « dans la mesure où les prix des matières premières sont par nature soumis à des fluctuations cycliques, une indemnisation sur le fondement de la théorie de l’imprévision ne sera possible que s’il est démontré que la hausse actuelle des matières premières concernées était imprévisible dans son ampleur et qu’elle a provoqué un déficit d’exploitation ». Aussi, le simple manque à gagner ou la disparition totale du bénéfice ne peuvent suffire aux prétentions du titulaire.
Sa mise en œuvre se matérialisera par la passation d’un avenant « sur le fondement de l’article R.2194-5 du Code de la commande publique afin de modifier le périmètre des prestations ou adapter les conditions d’exécution du marché ».
Rappelons qu’il est inutile de procéder à un cumul des dispositifs règlementaires…c’est-à-dire prévoir la mise en œuvre de la théorie de l’imprévision via une clause de réexamen !
- Si des difficultés apparaissent lors de la répartition des surcoûts, les parties pourront se tourner vers des modes de règlement amiable des différends[6] conformément à l’article R2197-1 du CCP.
[1] https://www.insee.fr/fr/statistiques/5361552#consulter
[2] https://www.senat.fr/questions/base/2019/qSEQ190209159.html
[3] CE, 21 octobre 2019, Société Alliance, n° 419155
[4] CE, 30 mars 1916, n° 59928 Compagnie générale d’éclairage de Bordeaux
[5]https://www.economie.gouv.fr/files/files/directions_services/daj/marches_publics/conseil_acheteurs/fiches-techniques/crisesanitaire/FT_Tensions_sur_les_approvisionnements_2021-05-31V2.pdf
[6] https://www.economie.gouv.fr/daj/reglement-amiable-des-differends