Le référé-suspension permet-il de contester une déclaration sans suite ?

Le référé-suspension permet-il de contester une déclaration sans suite ?

Le référé-suspension permet-il de contester une déclaration sans suite ? L’an dernier, le Tribunal administratif de Paris s’était vu saisi d’une demande de référé « mesures utiles » (ou référé conservatoire) afin de contester indirectement une décision de déclaration sans suite.

Plus précisément avait été contestée une décision de ne pas régulariser une offre irrégulière, la seule présentée. L’acheteur avait constaté qu’une seule offre irrégulière avait été présenté et utilisé ce motif pour déclaré la procédure sans suite. Et le TA de Paris avait conclu qu’il ne pouvait pas ordonner à l’acheteur de régulariser l’offre parce que cela reviendrait à faire obstacle à une décision administrative : celle de déclarer la procédure de marché sans suite (voir notre billet).

Aujourd’hui, c’est au tour du Tribunal administratif de Marseille de répondre à la question voisine de savoir si un référé-suspension peut être utilisé pour contester une déclaration sans suite.

La déclaration sans suite est-elle contestable ?

Nous avions évoqué la décision du Tribunal administratif de Montpellier qui rappelait que l’acheteur peut « à tout moment » déclarer une procédure sans suite, c’est-à-dire y compris après l’attribution, conformément aux dispositions de l’actuel R2185-1 du code (voir notre billet).

Encore faut-il que cette décision soit bien fondée, en l’occurrence sur un motif d’intérêt général, qui peut tout à fait tenir à l’identification d’un vice de procédure. Autrement, l’abandon de la procédure étant arbitraire, le candidat qui avait une chance sérieuse d’obtenir le marché (au 1er rang desquels : l’attributaire !) peut réclamer l’indemnisation de son manque à gagner (CAA Lyon, 28 juin 2012, Société RSA Cosmos, n° 11LY00487 ; CAA Nantes 2 février 2016, Société SBS, req. n° 14NT01374).

Le référé-suspension est-il « le bon plan » ?

La voie de recours qui tend à s’imposer à l’esprit lorsque l’on parle procédure d’attribution de marché, c’est bien plutôt le référé précontractuel. Celui-ci ayant cependant pour objet de faire annuler tout ou partie de la procédure d’attribution, l’intuition première peut être mise en doute puisqu’il parait incongru de vouloir annuler une annulation, pas vrai ? Mais le droit ne s’embarrasse pas de ces incongruités.

Néanmoins, ce n’est pas la voie choisie par le requérant qui aura préféré demander la suspension de la décision de déclarer la procédure sans suite (dont il aura du, par ailleurs, demander l’annulation définitive par un recours en excès de pouvoir (REP)).

Deux conditions doivent être remplie pour permettre à ce type de demande de prospérer :

  • un doute sérieux sur la légalité de la décision
  • une urgence appréciée concrètement au regard de l’ensemble des intérêts en cause, notamment bien sûr ceux du requérant

En l’espèce le juge va reconnaître le doute sérieux quant au motif de la déclaration sans suite, l’acheteur ayant invoqué une simple erreur matérielle dans la procédure et il est bien connu que l’erreur matérielle est celle qui peut être corrigée sans impacter la consistance de l’offre, parce qu’elle est « telle que nul ne pourrait s’en prévaloir de bonne foi ». Autrement dit, le juge estime que l’acheteur aura pêché par excès de zèle en n’invoquant pas un motif suffisant d’intérêt général.

Le juge va également reconnaître l’urgence à suspendre la mesure eu égard à la mauvaise santé financière de l’entreprise et aux gains espérés du contrat. Chose curieuse, pourtant : il s’agissait d’un accord-cadre sans minimum et le juge lui-même le souligne … 

TA Marseille, ord. 25 mars 2025, Sté Tekteo, n°2502325