Il n’est pas si courant de voir des clauses de la commande publique susciter un débat public aussi nourri. Toutefois, l’absence d’une ligne jurisprudentielle sur la question a plongé les acheteurs dans l’incertitude. Le Gouvernement[1] a donc décidé de se saisir de cette question au sein d’une instruction à destination des préfets.

Divisé en deux parties, le document traite de la vision du Gouvernement quant à la légalité des clauses visant à limiter l’exercice du travail détaché, et de l’insertion de clauses dites « Molière ».

La position du Gouvernement sur les deux sujets est explicite dès le préambule du texte : « en règle générale, une telle pratique est illégale ».

En effet, les clauses visant à limiter le travail détaché sont regardées comme une mesure de discrimination indirecte dans l’accès à la commande publique.

Pour fonder son argumentaire, l’instruction s’appuie, d’une part, sur les textes européens autorisant le travail détaché et, d’autre part, sur la jurisprudence de la Cour de justice, qui analyse toute restriction en la matière comme une discrimination.

De même, l’instruction semble vouloir balayer l’argumentaire tiré de ce que le travail détaché favoriserait le travail illégal.

Le texte rappelle en effet qu’existe un « noyau dur » de droits mis en place  par le code du travail afin de sécuriser le recours au travail détaché.

Il renvoie donc aux acheteurs la responsabilité de respecter, et de faire respecter, les textes législatifs et réglementaires mis en place afin de notamment lutter contre la concurrence sociale déloyale.

Enfin, l’instruction estime que le recours systématique aux clauses « Molière » révèle une violation du principe de non-discrimination, voire un détournement de pouvoir.

Pour ce faire, elle rappelle qu’aucune disposition du code du travail n’impose aux travailleurs détachés de parler français[2], alors qu’à l’inverse une obligation de traduction dans la langue officielle du travailleur détaché est obligatoire sur les grands chantiers du bâtiment.

L’instruction extrapole ensuite son raisonnement en estimant que le fait d’insérer systématiquement de telles clauses, notamment dans le but de favoriser des entreprises locales, serait révélateur d’un détournement de pouvoir[3].

A noter toutefois que l’instruction admet l’utilisation de cette clause à titre d’exception, lorsque cela s’avère justifié et proportionné à l’objet du contrat en cause, et nécessaire à son exécution.

En guise de première réponse à ce débat politico-juridique, nous vous laisserons seuls juges afin de déterminer sur lequel du ou des terrains cette instruction se situe.

 

Instruction interministérielle du 27 avril 2017, relative aux délibérations et actes des collectivités territoriales imposant l’usage du français dans les conditions d’exécution des marchés.

[1] Les ministres de l’économie et des finances, travail, de l’aménagement du territoire, et de l’intérieur.

[2] Il est même fait mention du fait qu’aucun des amendements présentés en ce sens lors du débat parlementaire n’a été adopté.

[3] Ce d’autant que des dispositifs spécifiques sont prévus à cet effet au sein de l’ordonnance et du décret.