Marché public : un contrat peut en cacher un autre…

Marché public : un contrat peut en cacher un autre…

Qu’est-ce qu’un marché public ? Si la réponse à cette question vous parait simple, vous n’avez probablement pas la bonne ! En effet, combien d’acheteurs pensent encore que « ce n’est pas un marché parce que je ne l’ai pas passé en concurrence » ? Combien pensent encore que « ce n’est pas un marché, on n’a pas fait d’écrit » ? Ou ce n’est pas un marché parce que le partenaire est une personne publique ?

Ne mélangeons pas tout, si vous le permettez.

Le code de la commande publique s’applique à ce que lui et lui seul définit comme un marché public : « un contrat conclu par un ou plusieurs acheteurs soumis au présent code avec un ou plusieurs opérateurs économiques, pour répondre à leurs besoins en matière de travaux, de fournitures ou de services, en contrepartie d’un prix ou de tout équivalent ».

Parle-t-on de procédure ? Parle-t-on d’écrit ? En réalité tout contrat quel qu’il soit est un marché public soumis au code dès lors qu’il comporte :

  • une réponse, même indirecte, à un besoin d’un acheteur ;
  • une contrepartie onéreuse.

La contrepartie onéreuse est véritablement le critère déterminant.

Ainsi, « en l’absence de prix ou de tout autre équivalent (…), la convention de mandat de maîtrise d’ouvrage ne constitue pas un marché, et, par suite, le moyen tiré de ce que la passation de cette convention n’aurait pas respecté les règles de publicité et de mise en concurrence est inopérant et doit être écarté », rappelle le Tribunal administratif de Marseille.

La circonstance que le contrat soit conclu entre personnes publiques ne suffirait pas à écarter la qualification de marché (CE, Ass, 20 déc. 2014, n° 355563), en présence d’un prix.

Ce prix pouvant d’ailleurs résulter soit d’un montant numéraire ou d’un équivalent c’est-à-dire :

  • d’une contrepartie en nature, tel le paiement sous forme d’abandon des matières premières extraites d’une carrière dans le cadre d’un marché d’extraction ;
  • d’un abandon de recettes sans risque d’exploitation, aussi appelé « prix négatif », et qui permet de qualifier de marchés les contrats de mobilier urbain (CE, Ass., 4 nov. 2005, n°247298) et la plupart des contrats de titres-restaurant (CE, 4 mars 2021, n°438859, voir notre article)

Soulignons à ce titre que le « prix négatif » ne doit pas être confondu, ni avec l’offre négative de prix ni avec l’attribution de note négative à une offre de prix.

Concernant le prix négatif, il s’agit pour l’acheteur d’abandonner une recette certaine au profit de l’entreprise (par exemple, renoncer à percevoir une redevance domaniale sur sa tête, ou « vendre » son terrain à un prix symbolique de 1€ : Infographie « Les frontières de la commande publique »). Donc seul l’acheteur paie !

Un prix nul ou négatif – consistant pour l’entreprise à reverser à l’acheteur une partie des recettes de valorisation – est une hypothèse logique et constitutive de certains marchés de travaux (ex : démantèlement et revente des matériaux, avec intéressement de l’acheteur en fonction des recettes dégagées, TA Pau 15 mai 2023 n° 2301026, voir notre article). Ici c’est à la fois l’entreprise et l’acheteur qui paient !

Enfin, l’attribution de notes négatives peut venir sanctionner une offre de prix positive : c’est la méthode de notation retenue au RC qui va dicter le résultat. Ces notes négatives étant par ailleurs strictement interdites car « en se soustrayant aux notes obtenues sur les autres critères dans le calcul de la note globale, (une telle note) serait susceptible de fausser la pondération relative des critères initialement définie et communiquée aux candidats » (CE, 17 juillet 2013, n° 366864).

TA Marseille, 3ème Chambre, 22 février 2024, 2303581