Incroyable, mais vrai ! Les pénalités de retard ont encore des choses à nous dire en 2024.
Mécanisme pourtant familier et ancien des marchés publics, elles demeurent mal comprises et débattues. Petit tour d’horizon pour devenir un (petit) expert : c’est parti !
- Refonte de 2021 et modération judiciaire
- Quid de la variation et de la TVA ?
- Pénalité provisoire
- Pénalité pendant la levée des réserves
- Renonciation et délit de favoritisme (ô ciel !)
Une refonte règlementaire en demi-teinte
Les nouveautés 2021 ont la vie dure… Une large partie des acheteurs continuent encore et toujours de déroger aux saines dispositions qui ont vocation à rétablir l’équilibre « malade » des contrats administratifs (Voir notre Infographie) :
- invitation préalable du titulaire à présenter des observations, à faire valoir une cause exonératoire ; pourquoi y déroger dans la mesure où les pénalités seront de toute façon appliquées au 1er jour du retard ?
- exonération en dessous de 1000€ ; ce système, qui n’aboutit pas à une déduction mais seulement à un abandon de la pénalité dont le montant serait inférieur, faciliterait pourtant la gestion financière du marché !
- plafonnement à 10% du montant initial hors taxe (et hors variation !) ; des dérogations systématiques alors même que ce système permet d’échapper facilement à la critique de la pénalité abusive…
Un garde-fou jurisprudentiel à connaître
Pénalité « abusive » ? Mais c’est qu’il faut compter avec le juge administratif, qui s’autorise à réduire le montant des pénalités manifestement excessives ou augmenter celles manifestement dérisoires (CE, 29 déc. 2008, OPHLM de Puteaux, n° 296930). Alors, comment savoir si une pénalité est manifestement excessive ?
La réponse en image avec notre Infographie ! (et en texte dans notre article Des pénalités de 80% du montant du marché sont-elles raisonnables ?)
Pas de révision, pas de TVA !
Saviez-vous que la variation de prix n’est plus appliquée aux pénalités de retard des marchés de travaux ? Certes, certes ! Le CCAG Travaux-2021 ne le dit pas explicitement, mais :
- la formule expresse – prévoyant la variation – de l’ex-article 20.1.4 a disparu ;
- le nouvel article 19.2.2 relatif au plafonnement nous dit que le plafond de 10% du « montant initial » s’applique au montant de l’article 12.1.1 c’est-à-dire… sans variation de prix !
- enfin, une volonté d’harmonisation sous-tendait la réforme, et tous les CCAG de fournitures et services ne prévoient-ils pas l’inapplicabilité de la variation ? (articles 14.1.1 CCAG-FCS, Tic et Pi, et 16.2.3 du nouveau CCAG-MOE).
Par ailleurs, en vertu des articles précités, les pénalités de retard sont calculées à partir des prix initiaux du marché « hors taxes » ou « hors du champ d’application de la TVA » (selon CCAG). Et on ne leur appliquera pas plus la TVA une fois calculé leur montant, car bien qu’elles puissent rapporter gros, il ne s’agit pas d’une opération économique entrant dans le champ d’application de la TVA !
Pénalité provisoire, qu’est-ce à dire ?
Vu dans un récent billet, le mécanisme des pénalités provisoires est un système de pénalité à deux vitesses (voir notre article : Pénalité provisoire et définitive : quand la frontière se brouille…). Concrètement, l’acheteur prévoit que les différents délais du planning sont contraignants et applique des pénalités de retard au fur et à mesure. L’entreprise peut espérer les voir « annulées » à la double condition que :
- elle ait résorbé son retard à la fin du chantier,
- et de ne pas avoir perturbé le chantier en provoquant du retard chez les autres participants.
Le point de départ en cas de réserves à lever…
Vu dans un autre récent billet, le problème du point de départ des pénalités, pas si simple que ça à résoudre puisque le juge lui-même a reconnu l’existence d’un « débat d’ordre juridique » dans une décision de justice (???) !
Les pénalités ont pour objet de sanctionner le dépassement du délai d’exécution. Mais qu’en est-il lorsque la réception est intervenue dans le délai de réception, assortie de réserves… et que les réserves sont levées postérieurement à l’expiration du délai, dans le temps imparti pour leur levée ?
Voir notre article : Pénalités de retard : quel point de départ ?
To renonciate or not to renonciate ?
On a tout dit ? Presque. Reste à souligner l’important débat d’actualité : renoncer à l’application des pénalités équivaut-il à une libéralité (très-très interdite !) ?
Si le juge administratif reconnait sans problème qu’il s’agit d’un pouvoir contractuel donc d’une pure faculté de l’acheteur (CE, 9 novembre 2018, SAS Savoie, n° 413533), ces dernières années le juge financier – la Cour de discipline budgétaire et financière – a procédé à la condamnation des agents n’ayant pas appliqué des pénalités de marché… (CDBF, 23 novembre 2022, ECPAD, n°263-796). Aïe… Il va donc falloir arrêter de les prévoir « juste pour les prévoir » ?
Et que dire des circulaires « flambée des prix » qui demandent l’inapplication des pénalités ?
En réalité, la renonciation sera jugée légale ou illégale eu égard à la règlementation comptable : le Décret n° ° 2022-505 du 23 mars 2022 requiert que les exonérations ou réductions de pénalités soient justifiées par une décision motivée de l’autorité compétente (délibération).
Il faut et il suffit que le justificatif démontre, par sa motivation, que la renonciation ne correspond pas à l’octroi d’un avantage injustifié / une libéralité. (Exemple : suivi des préconisation du Gouvernement dans le cadre du contexte de flambée des prix et de pénurie des matières 1ères 😁).