Souvenez-vous ! C’était en 2021, et il semble que personne n’ait jamais vraiment cessé d’en parler depuis… Le Conseil d’État avait jugé qu’un acheteur ne pouvait pas toujours rejeter un pli tardif, déposé au-delà de la date limite de réception des offres (DLRO).
La règle de principe
En fait, l’acheteur doit réintégrer le pli du candidat dans son analyse lorsque deux conditions étaient réunies :
- D’une part, l’entreprise avait accompli les diligences normales attendues.
- Et d’autre part, elle rapportait la preuve que le fonctionnement de son matériel informatique était normal.
Ces conditions étaient bien cumulatives. C’est-à-dire que l’acheteur pouvait, et même devait, rejeter le pli tardif lorsque l’entreprise n’avait pas été suffisamment diligente… (Conseil d’Etat, 23 septembre 2021, n°449250).
Les précisions apportées par les tribunaux
Le tribunal administratif de Clermont-Ferrand, comme d’autres après lui, nous avait livré son interprétation de la notion de diligences normales et à travers elle, de dépôt en temps utile.
Il avait apprécié ces éléments à l’aune des conditions générales d’utilisation (CGU) du profil d’acheteur, lesquelles imposaient dans son espèce un dépôt 24H00 au plus tard avant la date et l’heure limites.
Dès lors, le dépôt démarré à 9H30 pour une DLRO fixée à 12H n’était pas diligent et justifiait le rejet du pli tardif (TA Clermont-Ferrand, ord. 24 mars 2022, n°2200606).
Le contrepied du Conseil d’État ?
Notre même Conseil d’État que tantôt (🍟), vient d’adopter, dans un arrêt du 13 novembre, ce qui pourrait s’apparenter à une position inverse des TA.
De quoi est-il question ?
Un acheteur avait rejeté un pli transmis en dehors de sa plate-forme, et de surcroit arrivé plus d’1H après la DLRO.
Oui mais l’entreprise s’estimait dans son bon droit car elle n’avait pas pu déposer son pli sur la plate-forme, malgré de multiples tentatives, et une première tentative de dépôt 9H pour une DLRO fixée le jour-même à 16H.
Son pli était en réalité trop lourd pour les limites techniques du profil d’acheteur…
Le Conseil d’État estime que l’entreprise a fait preuve de diligences suffisantes pour que l’acheteur ait l’obligation d’accueillir son dépôt, même tardif, en considérant le fait que l’impossibilité pour l’entreprise de déposer son pli venait d’une limite technique dont elle n’avait pas été informée.
Oups…
Décortiquons les faits
Attention !
Ce que ne dit pas le Conseil d’État : « tous » les dépôts effectués 3H avant la date limite de dépôt sont forcément diligents.
Ce qu’il ne dit pas non plus : les acheteurs doivent « forcément » indiquer dans leur RC ou leur avis de publicité la taille maximale des plis prise en charge par leur plate-forme.
Mais alors, que dit-il ?
En réalité il n’est pas certain qu’il dise autre chose que les tribunaux administratifs, à savoir :
- Que les diligences de l’entreprise s’apprécient concrètement selon les circonstances de l’espèce
- Et que les conditions générales d’utilisation du profil d’acheteur ne comptent pas pour des prunes !
Eh oui, car en l’espèce, les CGU de la plateforme n’indiquent pas de taille maximale des plis prise en charge. Elles renvoient à des « prérequis techniques » nécessaires au dépôt qui n’évoquent pas cette question.
Donc l’acheteur aurait dû préciser cette limite technique dans son RC pour la rendre opposable à l’entreprise.
De plus, les CGU n’imposent pas non plus un délai de prévenance pour les dépôts. Leur rédaction est davantage tournée vers la chaude recommandation🔥 :
« Les plis doivent être reçus dans les délais fixés dans l’avis de publicité ou dans les autres documents de la consultation.
L’opérateur économique doit donc prévoir le temps nécessaire pour que son pli soit reçu dans le délai fixé par l’acheteur, surtout si les fichiers sont volumineux et/ou si le réseau a un faible débit. Il lui est ainsi conseillé de déposer ses plis au minimum 4 heures avant la date limite de remise des plis afin de garantir son envoi dématérialisé et lui permettre de remédier à d’éventuels problèmes techniques ».
Donc en définitive, quand bien même elles seraient opposables aux entreprises, ces CGU ne permettent pas d’écarter automatiquement les dépôts « sur le fil du rasoir ». Ne reste que l’appréciation fine des actions entreprises par l’opérateur pour faire quand même parvenir son pli à l’acheteur… !