Par une décision en date du 04 mars 2021, le Conseil d’Etat est venu apporter des éclaircissements concernant la qualification juridique d’un contrat ayant pour objet l’émission et la distribution de titres de paiement et ses modalités de passation.

Un département a initié une consultation allotie, sans publicité, ni mise en concurrence pour l’attribution d’un accord-cadre relatif à l’émission et à la distribution de divers titres de paiement tels que des chèques emploi service, des titres-restaurants et des chèques cadeaux.

Une entreprise, invitée à répondre à la consultation, a fait part à l’acheteur de son refus de présenter une offre.

Elle considérait que la procédure était entachée d’une irrégularité conduisant à une dispense de formalités de publicité et de mise en concurrence.

Consécutivement, l’entreprise a saisi le juge du référé précontractuel qui a annulé la procédure de passation de certains lots. Contestant l’ordonnance du tribunal administratif de Lyon, le département a formé un pourvoi en cassation.

Plusieurs questions ont été posées au Conseil d’Etat…

  • Un contrat relatif à l’émission et à la distribution de titres paiement constitue-t-il un marché public ou une concession ?

Les hauts magistrats rappellent[1] que la distinction entre un marché public et un contrat de concession réside dans l’existence d’un risque d’exploitation[2].

La caractérisation du risque d’exploitation suppose que l’entreprise soit réellement exposée aux aléas du marché. L’exposition aux aléas du marché s’apprécie en considération des risques suivants[3]:

  • Un risque de concurrence de la part d’autres opérateurs ;
  • Un risque d’inadéquation entre l’offre et la demande ;
  • Un risque d’insolvabilité des débiteurs ;
  • Un risque d’absence de couverture intégrale des dépenses d’exploitation par les recettes ;
  • Un risque de responsabilité.

En l’espèce, pour écarter l’existence d’un risque d’exploitation et en déduire que le contrat revêt le caractère d’un marché public, les juges relèvent que le coût de l’émission des titres et de leur distribution est intégralement supporté par le département et que l’entreprise bénéficie, à titre de dépôt, des fonds nécessaires pour verser leur contre-valeur aux personnes physiques ou morales auprès desquelles les titres seront utilisés.

  • Quelles sont les règles de détermination de la valeur estimée du besoin dans le cadre d’un marché de titres financiers ?

En rappelant les dispositions encadrant la détermination de la valeur estimée du besoin et les règles de computation des seuils[4], les magistrats du Palais Royal considèrent que pour un marché de titres de paiement, l’acheteur doit prendre en compte la valeur faciale des titres susceptibles d’être émis pour son exécution, augmentée d’une évaluation sincère des frais de gestion prévisibles.

Conseil d’État, 7ème – 2ème chambres réunies, 04/03/2021, n°438859


[1] Le Conseil d’Etat a consacré ce principe dans une décision en date du 07 novembre 2008, n°291794

[2] Article L.1121-1 du code de la commande publique

[3] CJUE, 10 mars 2011 Privater Rettungsdienst und Krankentransport Stadler, n°C-274_09

[4] Articles L.2125-1, R.2121-1, R.2121-3, R.2121-4, R.2121-6 et R.2121-8 du code de la commande publique