Habilitée jusqu’en juillet mais pas jusqu’en janvier ? C’est le nœud du problème qui a conduit le juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux à annuler, le 28 mars 2025, la procédure de passation du marché d’exploitation du marché municipal du Cap-Ferret. Une décision qui rappelle aux acheteurs publics l’importance cruciale de vérifier rigoureusement la situation juridique des entreprises en redressement judiciaire. (voir sur ce sujet l’infographie rédigée par nos équipes juridique).
La commune de Lège-Cap-Ferret avait lancé une procédure adaptée pour l’attribution d’un marché d’assistance pour l’exploitation de son marché municipal (entretien et encaissement des droits de place) pour les années 2025-2026. Le 10 mars 2025, elle informait une société de commerce alimentaire, classée deuxième, que le marché était attribué à une entreprise spécialisée dans la gestion de marchés publics.
Cette dernière, placée en redressement judiciaire depuis juillet 2024, bénéficiait d’une période d’observation renouvelée par le tribunal des activités économiques de Nanterre jusqu’au 17 juillet 2025. Problème : le marché devait s’exécuter jusqu’au 4 janvier 2026, soit près de six mois au-delà de cette période d’observation.
Le juge des référés a fait une application stricte de l’article L. 2141-3 du code de la commande publique, qui exclut des procédures de passation les entreprises admises en redressement judiciaire qui « ne bénéficient pas d’un plan de redressement ou qui ne justifient pas avoir été habilitées à poursuivre leurs activités pendant la durée prévisible d’exécution du marché ».
En vain, la commune et la société attributaire ont fait valoir qu’un plan de redressement était en cours d’élaboration et pourrait être adopté en juillet 2025, ou que la période d’observation pourrait être à nouveau prolongée jusqu’en janvier 2026. Pour le juge des référés, ces perspectives hypothétiques ne satisfont pas aux exigences de l’article L. 2141-3, qui impose une habilitation certaine couvrant l’intégralité de la durée d’exécution du marché.
Rappelant que « le choix d’une offre présentée par un candidat irrégulièrement retenu » est susceptible de léser un autre candidat « quel qu’ait été son propre rang de classement », le juge a annulé la procédure dès le stade de l’examen des candidatures.
La décision illustre la rigueur avec laquelle les juges apprécient l’éligibilité des entreprises en redressement judiciaire aux marchés publics. Elle devrait inciter les acheteurs à une vigilance accrue dans la vérification de la situation juridique des entreprises candidates, particulièrement lorsque leur habilitation à poursuivre leurs activités est limitée dans le temps.
TA de Bordeaux, 28 mars 2025, n° 2501592