La résiliation unilatérale du contrat administratif par le titulaire est un tabou, non pas de ceux qui animent agréablement une soirée entre amis, mais de ceux qui font bondir le juge administratif sur leur chaise !
En effet il est acquis de longue date que même confronté à une faute de l’administration cocontractante, le titulaire d’un contrat administratif ne bénéficie pas des privilèges que sont :
- L’exception d’inexécution (= suspendre ses obligations jusqu’à ce que l’autre parties s’exécutent)
- La résiliation unilatérale (= mettre fin à l’existence-même du contrat pour l’avenir en raison d’une faute grave de l’autre partie).
Le Conseil d’État avait déjà admis que ce principe connaissait une atténuation lorsqu’une clause du contrat avait expressément prévue cette faculté, sous réserve que le contrat n’ait pas pour objet le service public, et que l’administration n’oppose pas à motif d’intérêt général à la mise en œuvre de cette faculté (CE, 8 octobre 2014, n°370644, dit « Grenke Location »).
C’est à nouveau le Conseil d’État qui vient se prononcer au regard des règles particulières qui régissent les contrats d’assurance.
En effet, les contrats publics d’assurance sont des marchés publics soumis au code de la commande publique (Cass. civ. 1, 23 janvier 2007, n° 04-18.630, FS-P+B).
Mais ils demeurent également soumis au code des assurances, lequel dispose que l’assureur a la faculté de résilier unilatéralement le contrat à l’expiration d’un délai d’un an suivant sa conclusion… (art. L. 113-12 du code des assurances).
Comment détricoter le tout ?
Le haut juge administratif fait un choix audacieux en affirmant tout d’abord l’applicabilité de ces dispositions aux marchés d’assurance. Rien que ça !
C’est dire que si la jurisprudence Grenke Location, règle de principe, ne cantonne l’existence de cette faculté qu’à l’hypothèse où le contrat le prévoit expressément, le présent arrêt tire les conséquences logiques de la source légale de cette faculté dans certains contrats, tels que les contrats d’assurance : aucune clause du contrat d’assurance n’aura besoin de la prévoir (puisque la loi l’a déjà fait) !
Mais l’histoire ne s’arrête pas là. Car si le droit commun des assurances n’encadre pas la mise en œuvre de ce pouvoir contractuel, les « principes généraux applicables aux contrats administratifs » vont nécessairement limiter ce pouvoir. En l’occurrence, l’administration assurée pourra toujours faire obstacle à la résiliation unilatérale en soulevant l’existence d’un motif d’intérêt général.
Mais, nouvel ajustement à la règle de principe : l’assureur ne pourra se voir imposer la poursuite du contrat que pour la durée « strictement nécessaire » à l’organisation d’une nouvelle procédure, y compris si celle-ci se révèle infructueuse, et dans la limite d’1 an.
Détricotage terminé !
CE, 12 juillet 2023, n° 469319
P.S. Attention, acheteurs acheteuses-personnes morales de droit privé !, les règles ci-dessus ne valent bien que dans le cadre des contrats administratifs, et non pas dans le cadre des marchés publics en général. (Comment savoir si mon marché est administratif ?, voir notre article « Un contrat conclu par et pour une SPL est-il administratif ? »)