Ou, pour le dire plus précisément et moins audacieusement : l’entreprise peut-elle faire absorber par le maître d’ouvrage la responsabilité pour les fautes des autres entreprises, si celles-ci lui ont causé un préjudice ?
Dans l’affaire qui a occupé la cour administrative d’appel de Douai, l’entreprise réclamait l’indemnisation, ô surprise, de travaux supplémentaires (des quoi ?) et du préjudice causés par un allongement des délais du chantier.
La CAA commence par rappeler le principe selon lequel le caractère forfaitaire du prix couvre les aléas « normaux » d’exécution, et ne peut donc ouvrir droit à une rémunération complémentaire.
Il en va bien sûr autrement, notamment, en présence d’une faute du maître d’ouvrage.
Néanmoins la Cour va rejeter en série, à la pointe de sa plume blasée, les moyens de l’entreprise mettant en cause les différentes parties prenantes au chantier qui seraient responsables d’un allongement du délai :
- la nécessité de reprendre les études d’exécution au regard d’un risque sismique ? La faute à la conduite d’opération, qui ne relève pas de la maîtrise d’ouvrage en l’espèce = « next » ;
- un désaccord avec le maître d’œuvre sur la méthodologie entraînant un retard de chantier ? la faute au maître d’œuvre = « next » ;
- les autres sociétés intervenantes n’auraient pas prévu des effectifs suffisants et généré des retards de chantier ? la faute aux entreprises = « next » ;
- nouveaux travaux rendus nécessaires à cause d’un relevé altimétrique erroné ? la faute au géomètre = « next ».
Quoique frustrante, ces conclusions s’imposaient néanmoins en droit, puisqu’il incombe au titulaire d’engager, s’il s’y croit fondé, des actions contre chacune de ces personnes, et non contre le maître d’ouvrage.
La faute au titulaire alors ?
Ce dernier faisait pourtant valoir des arguments dirigés directement contre la MO et qui laissent songeur…
Celui-ci aurait tardé à déplacer les candélabres de l’éclairage public à proximité du chantier ; à communiquer le plan de bornage du terrain d’assiette du projet ; ou encore à déplacer un câble de haute tension présent sur le site.
Mais pour la cour, et c’est moins incontestable, la faute du MO n’est toujours pas constituée, ni en tout ni même en partie, puisque l’entreprise :
- aurait pu déployer ses effectifs sur un autre chantier pour minimiser son préjudice en attendant le déplacement des candélabres ;
- n’avait pas besoin du plan de bornage car « aucun doute n’existait sur le périmètre du terrain » ;
- et devait s’attendre à la présence de canalisations sur le chantier, sujétion ‘‘normale’’ d’exécution couverte par le caractère forfaitaire du prix.
Il semblerait donc que tout ne soit que la faute à Pas-de-chance !