Les modifications substantielles, enfin une définition ?

Les modifications substantielles, enfin une définition ?

Dans un précédent billet, nous remettions en lumière l’aura sinistre qui nimbe la tentatrice notion de « modification non substantielle » … Oui, celle-là même qui permet de modifier le contrat quel que soit le montant.

Plus qu’intéressante, cette notion est aussi insaisissable, et donc, plus que dangereuse. Une modification du marché irrégulière pourrait en effet être requalifiée de nouveau marché passé sans publicité ni mise en concurrence.

On peine néanmoins à le définir, le Code de la commande publique ne procédant que par la négative, en excluant certaines modifications comme automatiquement substantielles.

Pour le reste, celles qui ne figurent pas dans son listing ne sont pas nécessairement substantielles ou non substantielles. Alors, une modification « substantielle », c’est quoi ?

Dans un récent arrêt, la Cour de justice elle-même, interprète authentique de Monsieur le droit de l’Union européenne, est venu nous apporter quelques précisions.

Tout d’abord, la modification substantielle peut résulter tant d’un accord écrit que purement verbal. Dans la droite ligne du principe selon lequel les consentements forment les contrats, un avenant peut donc résulter d’un simple accord de volontés des deux parties.

« Comme la Cour a déjà eu l’occasion de le préciser, par principe, une modification substantielle (…) revêt un caractère consensuel ».

Interprétation étonnante néanmoins, si l’on se focalise moins sur le caractère écrit que sur le caractère commun de la modification d’après la Cour…, ce qui tend à exclure les « modifications » par voie unilatérale (ordre de service, es-tu là ?).

Il serait tout de même prudent de continuer à appliquer les limites du Code tant aux décisions unilatérales modificatives qu’aux avenants, écrits ou non, l’inverse étant aberrant et la plume du juge ayant pu fourcher J

Dans un second temps, on notera avec intérêt que la Cour apporte, peut-être malgré elle, des éléments de définition parcimonieux à la notion de modification non substantielle, jugeant que :

« S’agissant du contexte dans lequel s’inscrit l’article 72 de la directive 2014/24, le considérant 107 de cette directive indique que les modifications apportées au contrat sont considérées comme substantielles lorsqu’elles ‘‘attestent l’intention des parties de renégocier les conditions essentielles du marché’’ ».

La modification qui laisse inchangées les conditions essentielles du marché pourra donc être sereinement qualifiée de « non substantielle » et être valablement adoptée, quel qu’en soit le montant.

CJUE, 7 déc. 2023, aff. C-441/22 et C-443/22