L’accès aux documents administratifs détenus par l’Administration est un droit octroyé aux administrés dont la CADA (Commission d’accès aux documents administratifs) sert de boussole dans l’exercice de ce droit grâce, entre autres, à la production de fiches des documents communicables ou non selon le domaine administratif concerné (voir la fiches concernant les documents communicables dans les marchés publics). Dans le jugement d’aujourd’hui, c’est le rôle d’avis et conseils de la commission qui va être mis au-devant de la scène 🎥.

I. « Allo la CADA ? L’Administration ne veut pas me communiquer les documents que je demande ! »

Une société a transmis une demande à l’Administration afin qu’elle lui fournisse des documents liés aux marchés passés depuis 2014 dans le cadre de prestations d’hébergement, d’infogérance et de tierce maintenance informatique (demande assez conséquente).

N’ayant pas fait suite à sa requête, la société se tourne vers la CADA en lui demandant un avis sur sa demande de pièces, préalable obligatoire avant un possible introduction contentieuse devant le juge (Conseil d’État, 10e et 9e chambres réunies, 11 Mars 2024 n° 488227).

La CADA dressa ainsi un départage entre les demandes recevables ou non de la société :

Documents transmissibles (avec occultation – secret des affaires)Documents non transmissibles  
-les CCAP des marchés
-les PV d’ouverture des candidatures et des offres ou du nom des soumissionnaires
-les rapports d’analyse des offres avec les éléments de notation et de classement du titulaire
-les rapports de présentation afférents -les offres de prix globales des soumissionnaires
-les bons de commande, avenants et actes de sous-traitance agrée
-la communication du dossier de candidature de l’attributaire contenant les formulaires de candidature et de déclaration du candidat sans le numéro Kbis.
-les échanges avec les candidats lors des négociations
-le détail des prestations proposées par les titulaires du marché
-les moyens techniques et humains
-la certification de système qualité
-les certifications tierces parties
-les certificats de qualification concernant la prestation demandée -le chiffre d’affaires
-les coordonnées bancaires
-les références autres que celles qui correspondent à des marchés publics
-les mentions relatives aux détails techniques et financiers des offres de toutes les entreprises, et les notes et classements des entreprises non retenues.

II. Des limites à ce droit de communication des documents administratifs ?

Au regard du volume de pages à traiter pour satisfaire la demande de la société, l’Administration affirme que cette requête s’inscrit dans un climat relationnel tendu entre les deux entités. La société chercherait uniquement à léser l’Administration dans le seul objectif de lui imposer une charge de travail conséquence sans réel but légitime à la transmission de ces documents ;

Ce litige permet au juge de rappeler le principe jurisprudentiel (CE, 17 mars 2022, n° 449620) qu’il n’est pas nécessaire de justifier un intérêt pour demander la communication de documents administratifs dans la limite d’une charge de travail disproportionnée demandée à l’Administration au regard des moyens dont elle dispose, le juge devant arbitrer entre cette charge de travail et l’intérêt de la personne à demander ces documents.

Son arbitrage le fera pencher en faveur de la société car affirmant que sur l’ensemble des documents à traiter par l’administration, ceux concernant la demande ne concernent qu’un nombre limité de marchés donc n’étant pas une charge de travail disproportionnée pour l’Administration.

Finalement, sur le caractère abusif de la demande de la société n’ayant qu’un objectif de léser l’Administration, le juge va à nouveau se placer du coté du demandeur de documents n’établissant pas un lien abusif entre les contentieux introduits par la société suite au rejet de son offre à un des marchés de l’Administration et la demande des documents administratifs. La volonté de nuire n’est pas caractérisée !

Tribunal administratif de Poitiers, 3ème Chambre, 24 juin 2024, n°2202949