L’examen de la capacité à exécuter le marché : ce passage obligé, même en procédure ouverte, parait si simple sur le papier, et peut donner tant de tracas en pratique. La Cour de justice a récemment rendu un arrêt qui apporte des clarifications sur l’usage du DUME, clarifications pouvant être appliquées par analogie à l’usage des DC1/DC2.
Le problème qui s’est posé était celui de savoir si une société sans personnalité juridique et constituée d’entrepreneurs associés devait fournir un DUME global (une seul DC1 et une seul DC2 ?) ou un DUME par coassocié. Problème duquel la France n’est pas vraiment à l’abri puisqu’elle connait très bien les sociétés en participation et les autoentreprises, l’une comme l’autre dépourvue de personnalité morale.
Pour comprendre la réponse de la Cour, rappelons :
- que la capacité doit en principe être démontrée par « l’opérateur économique » candidat à l’attribution ;
- que celui-ci peut néanmoins s’appuyer sur la capacité de tiers, notamment de sous-traitant ;
- qu’il peut également se présenter en groupement, auquel cas chaque membre doit fournir des éléments attestant leur capacité à exécuter le marché.
Une société sans personnalité juridique constituées d’entreprises associées doit-elle être considérée comme seul opérateur économique, ou comme un groupement d’entreprises ? Peut-elle être considérée comme un groupement alors qu’elle a une vocation pérenne et non temporaire ?
À cette question, la Cour répond en deux temps.
Elle précise toute d’abord que la directive – qui est reprise par le code de la commande publique – retient une conception large de l’opérateur économique « de manière à inclure notamment toute personne ou entité qui offre la prestation de services sur le marché, quelle que soit la forme juridique sous laquelle elle a choisi d’opérer, peu important qu’il s’agisse ou non de personnes morales ».
La Cour précise immédiatement après que la directive retient, aussi, une conception large du groupement d’opérateurs économiques, puisqu’elle vise « y compris les associations temporaires », et donc n’exclut pas les associations permanentes.
La Cour en tire la conséquence que la nécessité de présenter un ou plusieurs DUME (une ou plusieurs fois les éléments de capacité, par analogie uns ou plusieurs DC1/DC2) dépendra entièrement et seulement de la question de savoir si la société entend utiliser ses moyens propres, définitivement transférés par ses associés, ou utiliser des moyens mis en commun à l’occasion du marché.
« Une entreprise commune (…) doit être considérée comme souhaitant participer, à titre individuel, à une procédure de passation de marché public ou soumettre une offre uniquement si elle démontre pouvoir exécuter le marché en cause en n’utilisant que ses propres personnels et matériels, autrement dit les ressources que ses coassociés lui ont transférées conformément au contrat de société et dont elle a la libre disposition. Dans une telle hypothèse, il suffit pour cette société de fournir son propre DUME au pouvoir adjudicateur.
En revanche, si, pour l’exécution d’un marché public, une telle société estime devoir solliciter des ressources des coassociés, elle doit être considérée comme ayant recours aux capacités d’autres entités (…). En pareil cas, ladite société doit soumettre non seulement son propre DUME, mais aussi celui de chacun des coassociés aux capacités desquels elle entend recourir ».