Décompte général en retard, quels risques ?

Décompte général en retard, quels risques ?

Dans un récent arrêt du 18 mars 2024, la cour administrative d’appel de Marseille a mis en lumière les conséquences, néfastes, pour l’acheteur, lorsque celui-ci manque à établir le décompte général dans les temps impartis.

Faisons immédiatement deux précisions.

D’une part, le solde d’un marché de travaux est une étape réglée comme du papier à musique par le CCAG-Travaux, impliquant entreprise, maître d’ouvrage et maître d’œuvre avec des rôles successifs bien spécifiques et réservant des petits noms différents pour une même pièce-ou-presque à chaque étape (pour plus de détails, voir notre article) ; le décompte général est la dernière étape avant l’établissement du D.G.D., soit via la signature par l’entreprise, soit via l’absence de réaction de sa part dans des formes bien spécifiques.

Il doit être envoyé sous 30 jours par le maître d’ouvrage à l’entreprise.

D’autre part, la CAA de Paris a examiné la question sous l’empire du CCAG-Travaux 1976. Il n’existait pas alors, à l’époque, de mécanisme permettant à l’entreprise de faire naître un DGD tacite (art. 13.4.4. CCAG Travaux 2009 ; art. 12.4.4 CCAG Travaux 2021). Le plus gros risque pour le maître d’ouvrage qui ne respecte pas le délai de 30 jours est donc, aujourd’hui, la transformation du décompte de l’entreprise en DGD tacite ! Mais cela suppose toutefois que l’entreprise ait procédé à la mise en demeure nécessaire dans les formes requises… A défaut, les règles « classiques » retrouvent à s’appliquer.

Il ne s’agit donc pas de faire de l’histoire du droit !

En l’espèce, le maître d’ouvrage avait notifié son décompte général mais en retard…  et bien après la mise en demeure de l’entreprise, laquelle lui permet de saisir directement le juge si 3 mois se sont écoulés sans réaction du maître d’ouvrage.

Le juge n’avait pas été saisi. Néanmoins « dans l’hypothèse où la personne responsable du marché entend notifier un décompte général après l’expiration du délai de trois mois susmentionné, ce document ne peut être regardé comme un décompte général au sens des dispositions du cahier des clauses administratives générales, ce alors même que le juge n’a pas encore été saisi à cette date ».

En d’autres termes : après l’heure, c’est plus l’heure !

L’entreprise est même sauvée deux fois, car puisque le décompte notifié n’est pas regardé comme un décompte général à proprement parler, peu importe la forme et le fond de sa réponse. Les lettres d’observations-réclamations adressées par elle, bien que ne respectant pas les formes imposées et ne comprenant pas toutes ses prétentions – ce qui ferait en principe obstacle à ce qu’elle puisse les demander au juge – sont tout simplement sorties de l’équation. Elle peut adresser directement au juge l’ensemble de ses prétentions.

Attention au retard qui fait mal, qui fait mal…¯ D’autant que La notification d’un décompte général, même irrégulier, suffirait à faire obstacle à ces conséquences (CE, 9 nov. 2023, n°469673)

Cour administrative d’appel de Marseille, 6ème Chambre, 18 mars 2024, 22MA01819