L’agrément du sous-traitant peut-il être tacite ? C’est la question à laquelle la cour administrative d’appel de Paris a récemment répondu par la négative, dans un arrêt du 19 mars 2024.

En l’espèce, l’acheteur en cause avait contracté pour « l’acquisition d’une presse triaxale à confinement à gaz – haute pression haute température », autrement dit, pas pour n’importe quel produit de grande surface !

La société requérante dans l’affaire était intervenue dans la conception ainsi que la fabrication de la presse, et s’estimait en droit de réclamer directement le paiement de ses factures à l’acheteur.

La cour rappelle que le « sous-traitant » a droit au paiement direct (au-delà de 600€ TTC) en vertu de l’article 6 de la loi du 31 décembre 1975. La question qui se posait en premier lieu était donc celle de savoir si la requérant était un simple fournisseur, dépourvu de droit au paiement direct, ou un véritable sous-traitant (pour aller plus loin, voir nos articles « Comment distinguer le sous-traitant du simple fournisseur ? » et « La sous-traitance de A à Z !« ).

Sans surprise, au vu de son implication significative dans la réponse à « des spécifications particulières », répondant à « des caractéristiques extrêmement précises », la société ne pouvait être regardée autrement qu’un véritable sous-traitant prenant en charge l’exécution d’une part du marché.

Malheureusement, la cour rappelle également que seul peut se prévaloir du droit au paiement direct le sous-traitant qui a été accepté par l’acheteur et dont les conditions de paiement ont été agréées par lui. Or, aucun acte d’agrément exprès n’était intervenu.

La société invoquait l’existence d’un faisceau d’indices supposant que l’acheteur l’aurait tacitement agréée comme sous-traitante : d’une part, elle serait la seule à disposer de l’expertise requise ; et d’autre part, et surtout, l’acheteur a émis 4 ans plus tard un bon de commande à son attention en vue de réaliser des opérations de maintenance de la machine

L’existence d’un agrément tacite étant écarté par le juge, la société ne peut plus se prévaloir d’un droit au paiement direct. En conséquence, et puisque son conseil n’a pas pris la précaution d’adresser à l’acheteur une demande préalable d’indemnisation sur un autre fondement (responsabilité pour faute pour n’avoir pas régularisé sa situation irrégulière, dont il aurait eu connaissance), la société est directement déboutée de toute autre prétention. En effet, sauf lorsqu’une loi spéciale prévoit le contraire, il est nécessaire de saisir la personne publique avant de saisir le tribunal pour toute réclamation financière (art. L421-1 du code de justice administrative).

Cour administrative d’appel de Paris, 6ème Chambre, 19 mars 2024, 22PA04020