Dans le cadre d’une procédure adaptée, c’est à l’acheteur qu’il revient « d’adapter » les contraintes procédurales, à commencer par les délais de procédure. Selon la jurisprudence, « l’acheteur fixe les délais de réception des candidatures et des offres, y compris le cas échéant après négociation, en tenant compte de la complexité du marché et du temps nécessaire aux opérateurs économiques pour préparer leur offre, dans le respect du principe d’égalité de traitement des candidats ».
Mais comme toujours en matière de délai, tout a l’air si simple jusqu’au jour où il faut mettre l’ouvrage sur le métier et les « calculer ». Est-ce qu’on compte les jours fériés, les dimanches, les samedis ? Est-ce que le dernier jour compte en entier ou on compte d’heure à heure ? Est-ce que tel(le) ou tel(le) écrit/ démarche interrompt le délai, et auquel cas est-ce que je redémarre à zéro ou je reprends le décompte où je l’ai laissé ?
Et à partir de quand démarre-t-on le comptage ?! … Cette dernière question s’est posé, et a trouvé une réponse, devant rien de moins que le Conseil d’État.
Qui s’appuie avec bon sens sur le code des postes et des communications électroniques pour déduire sa solution.
Mais n’allons pas trop vite et revenons un peu sur le contexte pour la comprendre.
En l’espèce, l’acheteur avait engagé une phase de négociation. Pour ce faire il avait envoyé un premier courrier recommandé le 19 août 2019, fixant une date limite de réponse (DLR) au 2 septembre. Malheureusement, l’une des sociétés a signalé un problème de réception de ce pli. Pour éviter un incident de procédure : second courrier ! Allez, hop ! Cette version 2.0 était cette fois envoyée le 5 septembre et reportait la DLR au 9 septembre.
Mais on se doute que l’histoire ne se termine pas bien, autrement le juge n’aurait pas été saisi… La même entreprise qui avait signalé un problème de réception du premier pli, n’est allée retiré le second courrier que le 16 septembre. Pour nos chers lecteurs et lectrices qui ne voudront pas revenir en arrière : la nouvelle DLR était fixée au 9 septembre… Le retrait était donc postérieur à l’échéance de la date limite.
La question s’est donc posée de savoir si le délai de réponse était suffisant et raisonnable.
Le juge d’appel, se plaçant au jour de l’envoi, c’est-à-dire du 5 septembre, a estimé que ce délai était effectivement suffisant.
Le Conseil d’État ne fut pas de cet avis, mais il sanctionna la CAA non pas sur la durée mais sur le choix du point de départ pour apprécier ce délai.
« En jugeant qu’il y avait lieu de se placer au jour de l’envoi aux candidats du pli recommandé avec avis de réception, contenant l’information du délai de remise des offres modifiées fixé par l’acheteur, pour apprécier le caractère suffisant de ce délai, alors que ce caractère doit s’apprécier en prenant en compte la date de notification de ce pli (…), la cour administrative d’appel de Toulouse a commis une erreur de droit ».
Mais plus encore, la date de notification du courrier recommandé n’était pas non plus le dépôt de l’avis de passage. Eh non ! En effet, « il résulte (du code des postes) que lorsque le destinataire du pli recommandé avec avis de réception le retire au bureau de poste durant le délai de mise en instance (…), la date de notification de ce pli est celle de son retrait ».
Et le délai de mise en instance est fixé par ce même code à … 15 jours !
Comprenons donc : si l’acheteur prévoit d’organiser tout ou partie de sa procédure par voie postale, il devra fixer des délais de procédure de minimum 15 jours…
Longue vie à la dématérialisation !!
Conseil d’État, 7ème chambre, 31 octobre 2023, 470264
Pour en savoir plus sur la négociation et ses pièges !