Non, non. Ce n’est pas une faute de frappe ! La cause du contrat, et non la clause : mais qu’est-ce que c’est ? Pour les nostalgiques du vieux code civil, le terme ne manque pas d’en évoquer un autre : nullité du contrat !

Longtemps ancrée dans le droit civil des contrats comme une des quatre conditions de validité du contrat, la cause a, comme ses trois sœurs, été récupérée dans la jurisprudence administrative à propos des contrats administratifs. Aussi, si à l’occasion de la grande réforme du droit des obligations la « cause » a officiellement disparue du code civil (ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations), son nom conserve bel et bien droit de cité au sein du droit des contrats administratifs, comme l’illustre le récent arrêt de la cour administrative d’appel de Versailles, du 9 novembre 2023.

Dans cette affaire l’acheteur en cause avait contracté un premier marché public de location-maintenance de photocopieurs, avec la société Espace Copia, signé le 25 janvier 2013. Ce marché avait fait l’objet d’une « sous-traitance » au profit de la société Grenke Location. À noter qu’aucun contrat de sous-traitance n’avait été conclu, du moins pas à l’écrit, entre Espace Copia et Grenke Location (oups ?). Puis, pour une de ces raisons obscures qui font les bonnes histoires, l’acheteur avait également signé, le 27 mai 2013, directement avec la société Grenke Location, un contrat organisant les conditions de location-maintenance de ces mêmes photocopieurs

La société Grenke Location a alors décidé de résilier son contrat en se prévalant des conditions de résiliation particulièrement avantageuses qu’il lui conférait, soit : en réclamant une grosse indemnité ! (sur ces points, ces articles pourraient vous intéresser : )

Le juge versaillais appliquant la grille de lecture de la jurisprudence Béziers (CE 28 déc. 2009, Commune de Béziers (dit Béziers I), req. n° 304802), rappelle que, saisi par une partie (ici l’acheteur) d’un moyen contestant la validité du contrat, il lui incombe d’opposer en principe l’exigence de loyauté des relations contractuelles pour quand même faire application du contrat… à moins que celui-ci soit entaché d’un vice d’ordre public.

C’est le cas de la cause illicite ou encore, comme ici, du défaut de cause tout simplement :

« Le contrat postérieur du 27 mai 2013 dont se prévaut la société Grenke Location, conclu entre cette dernière et (l’acheteur), porte également sur la location de 19 photocopieurs multifonctions (…) et a pour objet la location financière du matériel en cause. Dans ces conditions, (l’acheteur) est fondé à soutenir que ce second contrat, qui porte sur du matériel déjà loué aux mêmes conditions par un contrat précédent conclu avec la société Espace Copia, est dépourvu de cause et doit être écarté ».

Ainsi dépossédée du moyen tiré des conditions du contrat, la société sous-traitance ici ne fait pas long feu. Le juge écarte successivement ses autres arguments.

D’une part, le principe de loyauté des relations contractuelles ne peut être invoqué pour demander sa requalification en cotraitante ; le premier marché ne peut pas non plus s’interpréter comme prévoyant son intervention comme cotraitante. Par suite, l’effet relatif des contrats fait obstacle à toute velléité de sa part d’invoquer les clauses indemnitaires du marché conclu entre l’acheteur et la société Espace Copia.

D’autre part, le droit au paiement direct du sous-traitant ne peut pas plus venir à son secours car celui-ci découle directement de la loi de 1975 et n’existe donc que dans le champ d’application de cette loi. Or, le rappelle la cour, les prestations de fournitures ne sont pas comprises dans son champ d’application : ne peuvent être sous-traitées (dans le cadre de cette loi) que des travaux et services, principaux ou accessoires.

Dommage pour la société qui repart sans un sou (mais avec ses photocopieurs J ).

CAA Versailles, 6ème chambre, 9 novembre 2023, 20VE01923