Le rôle du juge du référé sur l’offre dénaturée par l’acheteur

Le rôle du juge du référé sur l’offre dénaturée par l’acheteur

Savez-vous ce qu’est une drague aspirante de sédiment ? C’est un navire permettant d’extraire des matériaux situés au fond de l’eau comme du sable ou du gravier. C’est aussi l’objet du marché qui concerne le contentieux d’aujourd’hui : un concurrent estimant que son offre dénaturée par l’acheteur aurait dû être choisie à la place de celle de l’attributaire 🚢

I. Dénaturation ou pas dénaturation : telle est la question

    Parmi les arguments soulevés, l’un d’eux affirme que l’acheteur aurait dénaturé l’offre du requérant en la qualifiant d’inappropriée par rapport au contenu du CCTP transmis. La notion de dénaturation de l’offre permet de contourner par exception l’interdiction faite au juge du référé précontractuel de se mêler de l’appréciation faite par pouvoir adjudicateur sur les offres des candidats. (Notion consacrée par la décision du Conseil d’Etat du 29 juill. 1998, n° 194412, Synd. mixte des transports en commun de l’agglomération clermontoise).

    La dénaturation de l’offre par l’acheteur fait partie de ces notions en commande publique pouvant recouvrir des aspects très différents et très variables selon les faits présentés devant le juge. Il n’y a pas de liste exhaustive de ce concept ; ce qui a motivé les concurrents évincés à brandir cet argument contre le choix des acheteurs lors de l’attribution du contrat.

    Quand est-il de l’utilisation faite par notre requérant évincé du marché de drague ?

    II. Inappropriée : l’offre ou la décision du juge ?

      Comme nous vous l’indiquions dans un article du blog (« Le juge ne se substitue pas à l’acheteur en référé précontractuel ! »), le pouvoir du juge du référé sur le contrôle de la dénaturation de l’offre ne peut pas s’étendre au fait que celui-ci fasse lui-même une seconde analyse des offres afin d’attribuer de nouvelles notes en lieu et place de l’acheteur.

       Or, le contexte de l’affaire d’aujourd’hui est différent. Ici, le requérant demande au juge d’apprécier le bien-fondé de la décision de l’acheteur de qualifier son offre comme inappropriée. Pour rappel, une offre inappropriée (art L. 2152-4 CCP) est une solution proposée par le candidat qui en l’état ne peut pas répondre au besoin de l’acheteur.

      Ici l’analyse du juge peut se baser sur les valeurs objectives car se limitant à vérifier si la drague proposée par le requérant respecte les caractéristiques techniques minimums imposées par le CCTP pour répondre au besoin de l’acheteur.  En l’espèce les aspects techniques de la drague du requérant étaient bien en deçà des exigences techniques demandées. Donc il n’y a pas eu dénaturation de l’offre par l’acheteur !

      (pour aller plus loin sur la notion du référé précontractuel grâce à notre infographie)

      TA de Bastia, 5 juil. 2024, n° 2400754