Un désordre décennal peut-il être « virtuellement » constaté ? C’est la question que nous pose la cour administrative d’appel de Marseille dans un récent arrêt du 9 janvier 2023.
En l’espèce, la responsabilité décennale du maître d’œuvre était recherchée autour d’une histoire de peinture intumescente – qui gonfle sous l’effet de la chaleur afin de retarder l’inflammation de l’objet peint – dont un ouvrage recevant du public avait besoin afin d’être conforme à la règlementation en vigueur.
Sans surprise, à propos du caractère décennal du vice allégué, la cour reconnait que l’absence d’une telle peinture rendait donc l’ouvrage impropre à sa destination.
Mais cette peinture était-elle réellement absente ? C’est sur la matérialité même du vice que la cour nous surprend. Puisqu’elle juge que l’expert missionné avait pu « tenir pour acquis » le fait que la peinture posée n’était pas intumescente, « même s’il n’a pas pu vérifier par lui-même » cette absence. (Et même, ajoute le juge, si la commission de sécurité a rendu un avis favorable en 2008).
Toujours plus surprenant, cette possibilité pour l’expert de tenir un fait pour acquis vient de ce que,
- d’une part, le CCTP ne prévoyait pas la pose d’une peinture intumescente,
- et d’autre part, apogée de la surprise, « l’avenant n° 3 au marché public de travaux, qui prévoyait la pose d’une telle peinture, suivant les recommandations du contrôleur technique » est écarté car « rien n’indique qu’il aurait été seulement soumis à l’approbation du maître de l’ouvrage, qui ne l’a pas signé ».
Dans ces conditions la cour reconnait la matérialité du désordre, et son imputabilité à la maîtrise d’œuvre par la même occasion puisque la seule absence de spécification d’une peinture intumescente au CCTP suffit à caractériser une défaillance dans la mission ACT (Assistance à la passation des Contrats de Travaux).