La Charte de l’environnement proclame en son préambule qu’afin d’assurer un développement durable, les choix destinés à répondre aux besoins du présent ne doivent pas compromettre la capacité des générations futures et des autres peuples à satisfaire leurs propres besoins.

Parce que le développement durable a été érigé comme l’une des principales préoccupations contemporaines et que la commande publique constitue un puissant levier concourant à sa promotion et à son essor, dans ses dimensions économiques, sociales et environnementales, les pouvoirs publics procèdent à une refonte progressive (et durable…) de l’achat public.

Dans cette optique, une pierre de plus avait été ajoutée à l’édifice « développement durable » suite à l’adoption de la loi n°2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets (voir notre article en ce sens).

Parmi les nombreuses dispositions novatrices de cette loi, intéressant la commande publique, figure l’article 272 qui a créé l’article L.110-7 du Code de l’environnement, au titre duquel :

« Dans le cadre de la stratégie nationale mentionnée à l’article L. 110-6, l’Etat se donne pour objectif de ne plus acheter de biens ayant contribué directement à la déforestation, à la dégradation des forêts ou à la dégradation d’écosystèmes naturels en dehors du territoire national.

Cet objectif est décliné par décret, pour la période 2022-2026 puis pour chaque période de cinq ans ».

Pour l’application de cette disposition et sa déclinaison, le Gouvernement a adopté le Décret n°2022-641 du 25 avril 2022 relatif à la prise en compte du risque de déforestation importée dans les achats de l’Etat.

  • Quel est l’objectif ?

L’objectif visé par le décret est de tendre vers des achats de biens qui ne contribuent pas à la déforestation importée.

La notion de bien est entendue largement. Il s’agit de tout produit, produit dérivé, produit transformé issu, ou produit à partir des matières premières suivantes : bois, soja, huile de palme, cacao, bœuf et hévéa.

  • Quels sont les acheteurs concernés ?

Les acheteurs concernés par cette disposition sont les acheteurs centraux et déconcentrés de l’Etat, qu’ils agissent en qualité de pouvoir adjudicateur ou d’entité adjudicatrice.

  • Quels sont les segments d’achats concernés ?

Les segments d’achats concernés par l’objectif de non-contribution à la déforestation importée sont les suivants :

– Les matériaux de construction et de rénovation ;

– Les combustibles ;

– Le mobilier ;

– Les véhicules y compris les équipements ;

– Les fournitures de bureau ;

– Les produits d’entretien ;

– La restauration.

  • Quelles sont les nouvelles obligations ?

Les acheteurs concernés devront prendre en compte le risque de déforestation importée dans leurs achats, de la définition du besoin au suivi de l’exécution du marché.

Cette prise en compte peut notamment se traduire par :

– Une estimation précise du besoin à satisfaire au regard des risques de déforestation importée, qui peut se traduire par un objectif de sobriété ;

– L’engagement d’un dialogue avec les opérateurs économiques à toutes les étapes du marché afin de recueillir des informations sur la traçabilité des produits, en ayant par exemple recours à un questionnaire afin de mieux évaluer et réduire le risque de déforestation importée ;

– Le recours à des labels ou certifications dans les spécifications techniques ;

– La mise en place d’un plan de progrès et d’une évaluation périodique dans le cadre du suivi du marché. Il est à noter que cet outil mis en avant par la Direction des Achats de l’Etat (DAE)[1] fait une entrée remarquée dans la règlementation de la commande publique.

Par l’emploi de l’adverbe « notamment », il peut en être déduit que cette liste n’est pas limitative et que les acheteurs auront le loisir de se fonder sur d’autres considérations afin d’atteindre ce nouvel objectif.

  • A partir de quand ?

Les dispositions de ce décret s’appliquent aux marchés publics pour lesquels une consultation a été engagée ou un avis d’appel à la concurrence a été envoyé à la publication à compter de sa publication, soit le 26 avril 2022.

Bon à savoir : le guide « S’engager dans une politique d’achat public zéro déforestation » du Ministère de la transition écologique, à destination des acteurs de la commande publique, a été mis à jour en avril 2022 😉


[1]https://www.economie.gouv.fr/files/files/directions_services/dae/doc/Guide%20Plan%20de%20Progre%CC%80s-Hyperlien.pdf?v=1612448809