L’exécution aux frais et risques est une faculté que le maître d’ouvrage peut mobiliser avant comme après avoir soldé le marché de travaux. Le chiffrage des sommes nécessaires se suffit à lui-même.

La jurisprudence est on ne peut plus claire : l’exécution aux frais et risques des marchés est une règle d’ordre public[1], c’est-à-dire disponible même dans le silence du contrat, mais aussi disponible quand bien même le contrat prévoirait expressément d’y faire obstacle !

Mais toute faculté d’ordre public qu’elle est, reste encore au maître d’ouvrage à en respecter les conditions et procédures de mise en œuvre…

L’exécution aux frais et risques : c’est quoi ?

Dans un précédent article, nous vous exposions les fondamentaux de cette procédure. Cet article est néanmoins obsolète au vu de l’évolution de la règlementation et des CCAG. Un petit point préalable n’est donc pas superflu !

L’exécution aux frais et risques consiste à sanctionner le titulaire défaillant. Le maître d’ouvrage peut alors conclure un marché dit de substitution, sans publicité ni mise en concurrence, avec un tiers.

Le titulaire supporte les frais et risques : si le maître d’ouvrage vient à payer davantage, il se fait payer la différence par l’entrepreneur défaillant ; mais si le maître d’ouvrage obtient un meilleur prix, l’entrepreneur défaillant ne bénéfice pas du paiement du reliquat.

Mais pour éviter les abus, le titulaire défaillant a néanmoins un droit de suivi, et le maître d’ouvrage doit respecter un certain nombre de conditions parmi lesquelles une mise en demeure strictement formalisée. Dans l’affaire en cause, la question était de savoir si, au nombre de ces conditions, figurait l’obligation d’avoir d’ores et déjà conclu le marché de substitution afin de pouvoir déduire les sommes des prestations non exécutées au décompte général du marché.

En fin de marché, le décompte général et définitif est dressé et il fixe, de manière irrévocable, les droits et obligations financiers des parties. Lorsque la réception est assortie de réserves, le maître d’ouvrage doit donc prendre garde de réserver les sommes nécessaires.

L’exécution aux frais et risques : c’est quand ?

Le CCAG-Travaux qui organise l’exécution aux frais et risques prévoit la chose suivante :

« Lorsque la réception est assortie de réserves, l’entrepreneur doit remédier aux imperfections et malfaçons correspondantes dans le délai fixé par la personne responsable du marché ou, en l’absence d’un tel délai, trois mois avant l’expiration du délai de garantie défini au 1 de l’article 44.

Au cas où ces travaux ne seraient pas faits dans le délai prescrit, la personne responsable du marché peut les faire exécuter aux frais et risques de l’entrepreneur ».

Question, dès lors : le maître d’ouvrage doit-il alors, afin de pouvoir chiffrer les sommes nécessaires à la réalisation aux frais et risques des prestations ayant fait l’objet de réserves, avoir d’ores et déjà conclu son marché de substitution ?

Pour le juge d’appel, il paraissait évident que oui : « malgré l’inscription dans le décompte général et définitif d’une somme correspondant aux travaux ayant fait l’objet de réserves non levées, la commune maître d’ouvrage ne pouvait se prévaloir d’une créance correspondant à cette somme à l’encontre du titulaire au motif que ces travaux n’avaient pas été réalisés ».

Pour le Conseil d’État pourtant, une toute autre évidence s’imposait.

D’une part, « s’il résulte [des dispositions précitées du CCAG Travaux] que le maître d’ouvrage peut faire exécuter aux frais et risques du titulaire les travaux ayant fait l’objet de réserves lors de la réception qui n’ont pas été levées dans le délai imparti au titulaire pour ce faire, il n’en résulte pas qu’il devrait le faire avant l’établissement du décompte général ».

D’autre part, le maître d’ouvrage, s’il chiffre les réserves dans le décompte général, peut déduire ces sommes dès lors que le titulaire n’a ni exécuté les travaux ni formé de réclamation à propos de ce décompte, ce dernier devenant alors définitif dans sa totalité :

« Lorsque le maître d’ouvrage chiffre le montant de ces réserves dans le décompte et que ce montant n’a fait l’objet d’aucune réclamation de la part du titulaire, le décompte devient définitif dans sa totalité, les sommes correspondant à ces réserves pouvant être déduites du solde du marché au titre des sommes dues au titulaire au cas où celui-ci n’aurait pas exécuté les travaux permettant la levée des réserves ».

L’arrêt d’appel est donc annulé et le maître d’ouvrage satisfait dans ses demandes.

 CE 28 mars 2022, Commune de Sainte-Flaive-des-Loups, n° 450477


[1] CE, 18 décembre 2020, Sté Treuils et Grues Labor, n°433386.