Le décompte général et définitif (DGD) est en principe intangible et irrévocable, ce qui signifie qu’il vaut renonciation définitive à toute réclamation ultérieure, y compris sur les réserves non levées (CE, 16 octobre 1970, n° 72802). Conséquences drastiques à la clef, la procédure d’établissement du DGD est réglée comme du papier à musique et celui-ci revêt en principe un caractère exprès… En principe !

Les articles 12.4.4 et 12.4.5 du CCAG-Travaux 2021 prévoient en effet la naissance d’un DGD tacite, respectivement au bénéfice du titulaire lorsque le maître d’ouvrage manque de diligence, et au bénéfice du maître d’ouvrage lorsque c’est le titulaire qui reste inactif.

Dans le premier cas, on parle de « procédure d’alerte » : c’est normalement le maître d’œuvre (MOE) qui valide et transmet le projet de décompte de l’entreprise au MO, qui met ensuite son propre grain de sel avant de notifier le fameux décompte général (DG). Si le MOE est négligent, l’entreprise peut saisir directement le MO qui aura alors 10 jours pour notifier le DG. À défaut, le projet de l’entreprise devient, directement, le DGD.

En l’espèce, devant la cour administrative d’appel de Versailles, l’entreprise avait pu bénéficier de ces dispositions, mais la question soulevée en défense était celle de savoir si elle avait pu y renoncer en poursuivant la procédure classique d’établissement.

Il se trouve que l’entreprise avait saisi le MO dans le cadre des dispositions qui intéressent la contestation du décompte général produit par le MO, en l’espèce tardivement. Ce décompte général devenait-il opposable du seul fait que l’entreprise s’était donné la peine de le contester ?

Le juge relève qu’en l’occurrence l’entreprise s’était référé à son propre projet de décompte comme devenu le DGD, et que le sens de sa contestation consistait justement à en réclamer le dû paiement. Dès lors, elle n’avait pas pu renoncer à se prévaloir du DGD tacite !

Il ne suffit donc pas de mettre en œuvre les dispositions relatives à la contestation du DG notifié par le MO pour automatiquement perdre le droit de se prévaloir des effets de l’article 12.4.4 du CCAG. Serait-il alors possible d’en perdre le bénéfice par simple ignorance du mécanisme et conviction que le DG notifié tardivement par le MO va accoucher du « vrai » DGD du marché ? Au regard du caractère intangible du DGD rappelé en introduction, cela est peu probable. Mais l’histoire (litigieuse) ne le dira pas !

CAA Versailles, 5ème chambre, 5 octobre 2023, 22VE02737