Le maître d’œuvre, c’est comme les brunes : ça compte pas pour des prunes ! C’est en termes (à peine) prosaïques que pourrait se traduire la décision du Conseil d’État du 2 février dernier.

En l’espèce il s’agissait d’une classique affaire d’exécution financière des marchés de travaux, ou, pour le dire rapidement : d’un différend sur le décompte général, aspirant-DGD.

On sait que le CCAG organise minutieusement l’expiration des relations financières entre les parties à un marché de travaux (voir notre article). Étapes, pièces justificatives et délais sont réglés comme du papier à musique. Et il est aussi facile que dangereux de s’y perdre, car l’adage contre-intuitif en droit sanctionne souvent l’expiration desdits délais : « silence vaut acceptation ».

Mais il organise presque aussi minutieusement les voies et délais de recours entre les parties, notamment lorsqu’il s’agit du décompte général.

En l’occurrence il prévoit que l’entreprise qui entend saisir le juge à ce sujet doit, au préalable, transmettre un mémoire en réclamation, à la fois au maître d’ouvrage (MO) et en copie au maître d’œuvre (MOE), dans le délai de 45 jours.

Dans l’arrêt du Conseil d’État, il est clair que

  • la transmission aux deux parties doit être effectuée dans ce délai ;
  • et cette transmission n’est réputée accomplie qu’à partir de la réception effective du mémoire !

En effet, « le respect de ce délai s’apprécie à la date de réception du mémoire tant par le pouvoir adjudicateur que par le maître d’œuvre ».

En l’espèce, quelle que soit la date d’envoi, le juge constate que le MOE n’a reçu la copie du mémoire que le 25 juin 2019, alors que le décompte général avait été notifié le 10 mai… Donc au-delà du délai de 45 jours.

La requête est donc irrecevable, sanction très grave au demeurant puisqu’elle signifie que l’entreprise avait peut-être raison sur le fond, mais qu’elle ne le saura jamais car le juge refuse de lui répondre.

Longue vie aux alertes de calendrier !

CE, 2 février 2024, n° 471122