Doit-on écarter la Russie de la commande publique ?

Doit-on écarter la Russie de la commande publique ?

Nul n’ignore que le contexte géopolitique actuel est perturbé en raison du conflit Russo-Ukrainien. Ces perturbations doivent-elles conduire à écarter la Russie de la commande publique?

Les Gouvernements européens et l’Union européenne ont adopté, de concert, une palette de sanctions graduée à l’égard de la Russie.

Les acheteurs publics pouvaient légitimement s’interroger sur les répercussions de ces mesures vis-à-vis des contrats de la commande publique, qu’il s’agisse des contrats en cours d’exécution ou ceux à venir.

Ces interrogations ne furent toutefois que de courte durée puisque l’Union européenne a récemment accentué ces sanctions en les étendant au domaine de la commande publique !

Nouvelles sanctions prévues par le Règlement (UE) n°2022/576

Le nouveau Règlement (UE) n°2022/576 du Conseil du 8 avril 2022 concernant les mesures restrictives eu égard aux actions de la Russie déstabilisant la situation en Ukraine prévoit des mesures applicables aux marchés publics et aux concessions répondant à un besoin dépassant les seuils européens (point 23).

Ce Règlement consacre l’interdiction d’attribuer ou de poursuivre des contrats de la commande publique avec une entreprise détenue directement ou indirectement par une entité Russe. On doit donc écarter la Russie de la commande publique.

Pour éclairer les acheteurs et les autorités concédantes sur les modalités de mise en oeuvre de ce nouveau « train de sanctions » à l’égard de la Russie, la Direction des affaires juridiques de Bercy (DAJ) a publié une fiche technique ce 15 avril dernier.

Russie et commande publique : L’interdiction d’attribuer des contrats

Les acheteurs et les autorités concédantes ont l’interdiction d’attribuer un marché public ou un contrat de concession répondant à un besoin dont le montant est égal ou supérieur aux seuils européens, avec un opérateur économique russe.

L’interdiction s’applique également à d’autres contrats normalement exclus du champ d’application des directives tels que les concessions de service aérien ou encore les concessions portant sur la location ou l’acquisition de biens existants…

Quelles sont les entreprises spécifiquement frappées par l’interdiction?

Le Règlement énumère les entreprises tombant sous le coup de l’interdiction :

  • Attributaire ressortissant russe ou une personne physique ou morale, une entité ou un organisme établi sur le territoire russe ;
  • Attributaire qui est détenu à plus de 50 %, de manière directe ou indirecte, par une entité établie sur le territoire russe ;
  • Attributaire qui est une personne physique ou morale, une entité ou un organisme agissant pour le compte ou sur instruction d’une entité établie sur le territoire russe ou d’une entité détenue à plus de 50 % par une entité elle-même établie sur le territoire russe ;
  • Le sous-traitant, le fournisseur ou toute entité qui se trouve dans l’un des trois cas susmentionnés, et dont le montant de ses prestations représente plus de 10 % de la valeur du marché.

La Fiche de la DAJ rappelle que les acheteurs qui doivent définir le lieu d’établissement de l’entreprise ou sa nationalité peuvent s’aider des informations fournies par celle-ci dans l’acte d’engagement (adresse et immatriculation), dans les données de sa candidatures (Formulaires DC1/DC2 ou DUME) ou à l’occasion du contrôle du contrat de sous-traitance.

Les données peuvent être corroborées par des vérifications auprès de sociétés spécialisées telles que info-clipper.com.

Russie et commande publique : L’obligation de résilier les contrats en cours d’exécution

Les contrats en cours au 9 avril 2022 qui ne seraient pas échus au 10 octobre 2022 doivent être résiliés avant cette date.

La résiliation des contrats en cours d’exécution ne donnera lieu à aucune indemnisation des entités concernées.

Les règles d’indemnisation à l’initiative de l’acheteur (jurisprudentielles ou contractuelles) doivent donc être écartées !

Les exceptions envisagées par le Règlement UE

Si le Règlement de l’Union européenne réduit à peau de chagrin les relations commerciales avec la Russie, il laisse subsister quelques domaines où la contractualisation demeure possible.

Il s’agit notamment :

  • Des activités en lien avec la gestion des déchets radioactifs ;
  • De coopération intergouvernementale dans le domaine des programmes spatiaux ;
  • Du fonctionnement des relations diplomatiques ;
  • De la fourniture de biens ou de services strictement nécessaires qui ne peuvent être fournis que par les personnes visées au paragraphe 1 ou qui ne peuvent l’être qu’en quantités suffisante
  • De l’achat, importation ou transport de gaz naturel et de pétrole…

L’acheteur qui souhaite se prévaloir de l’une des exceptions prévues par le Règlement doit requérir une autorisation de l’Etat. La demande d’autorisation doit être transmise à l’adresse suivante : sanctions-russie@dgtresor.gouv.fr

Un non-respect de ces interdictions pouvant être sanctionné

La DAJ indique que l’acheteur qui procède à l’attribution d’un marché public ou en poursuit son exécution, sans autorisation des autorités compétentes, encourt des sanctions dont une peine d’emprisonnement de cinq ans[1] !

DAJ : Fiche sur les sanctions applicables dans la commande publique aux opérateurs économiques russes.


[1] Article 459 par.1 bis du Code des douanes.