Qu’est-ce que le fait du prince et quelles en sont les modalités de mise en œuvre ?

Qu’est-ce que le fait du prince et quelles en sont les modalités de mise en œuvre ?

Notre requérant est concessionnaire de l’exploitation de parcs de stationnement de la ville. Il demande l’indemnisation des préjudices qu’il a subis au cours de l’exécution de deux contrats.

Il demande une indemnisation sur le fondement de la responsabilité quasi-délictuelle[1], faute pour la Ville de lui avoir fait part, lors de la conclusion des contrats, de son intention de poursuivre de façon durable sa politique en matière de circulation automobile. La Ville aurait ainsi méconnu le principe d’exécution de bonne foi des contrats.

Il invoque par ailleurs le fait du prince au vu des mesures imprévisibles adoptées en matière de circulation automobile qui ont affecté directement la fréquentation des parcs de stationnement. L’ équilibre financier du contrat aurait été bouleversé selon lui.

En droit administratif, la théorie du fait du prince est le cas où l’exécution du contrat est impactée par une mesure extérieure prise par l’Administration. Cette décision porte atteinte à un élément essentiel du contrat.

La décision ne modifie pas le contrat administratif lui-même mais va entraîner des répercussions qui vont en impacter les conditions d’exécution.

La théorie du fait du prince ouvre droit à indemnisation lorsque quatre conditions sont réunies :

  • La mesure émane de l’administration contractante.
  • L’administration a agi en dehors de son rôle de contractant.
  • Le fait du prince doit avoir été imprévisible au moment de la conclusion du contrat.
  • La mesure affecte spécifiquement le cocontractant ou affecte le contrat dans l’un de ses éléments essentiels.

En l’espèce il résulte de l’instruction que la Ville avait engagé une politique publique de réduction de la circulation automobile bien avant la signature des contrats de concession.  Le requérant ne pouvait en ignorer les effets, à moyen et long termes, à la date de leur signature. La condition de l’imprévisibilité n’est donc pas remplie. Par suite sur le même fondement, la responsabilité quasi-délictuelle ne peut être recherchée.

 

Cour administrative d’appel de Paris, 6ème Chambre, 6 novembre 2024, 22PA02692

 

[1] Pour aller plus loin sur la notion et sa mise en œuvre voici notre brève