Concession : quelle indemnisation pour le candidat évincé ? Dans un important arrêt du 24 avril, le Conseil d’État s’est prononcé sur les modalités de calcul de l’indemnité du candidat irrégulièrement évincé de l’attribution d’une concession.
Le sujet n’était pas simple.
En effet le Conseil d’État a posé il y a longtemps maintenant la règle selon laquelle l’éviction irrégulière d’un marché ne permet pas l’indemnisation de la seule perte de chance. Ou, pour être plus clair, il a été jugé que le juge devait s’interroger sur les chances qu’avait l’entreprise d’emporter le marché pour savoir si elle avait droit ou non à une indemnité :
- Aucune chance = aucune indemnité ;
- Non dépourvu de toute chance = seule indemnisation des frais de présentation de l’offre ;
- Chance sérieuse = indemnisation de la marge nette bénéficiaire (CE, 28 nov. 2023, Sté La Royale Plage, n°468867).
Et c’est là que le bât blesse puisque, si un marché est assorti d’un prix, et donc d’une marge bénéficiaire certaine, la concession est assortie d’un risque, donc par définition le préjudice subi est tout sauf certain !
Or, le droit de la responsabilité suppose que soient démontrés à la fois un fait générateur (une faute, une méconnaissance des obligations de passation), un préjudice certain ainsi qu’un lien de cause à effet entre les deux.
Dans son arrêt du 24 avril, le Conseil d’État enjoint ainsi le juge administratif à « apprécier dans quelle mesure ce préjudice présente un caractère certain, en tenant compte notamment, s’agissant des contrats dans lesquels le titulaire supporte les risques de l’exploitation, de l’aléa qui affecte les résultats de cette exploitation et de la durée de celle-ci ».
Si l’appréciation de la durée ne pose pas trop de difficultés, apprécier « l’aléa » interroge sérieusement puisque par définition personne ne voit le futur… pas même le juge administratif !
Et puisque la plaisanterie ne dure jamais assez, le Conseil d’État ajoute pour le plus grand plaisir du justiciable que, marché ou concession, si le contrat conclu avec un autre est, depuis, résilié, l’appréciation du préjudice devra tenir compte de cette résiliation. En effet, le juge devra considérer les motifs et les effets de la résiliation afin de déterminer quels auraient été les droits à indemnisation du concurrent qui n’a PAS conclu ce contrat, si le contrat avait été conclu avec lui… OUF !
Madame Irma n’a qu’à bien se tenir J
CE, 24 avril 2024, Commune de la Chapelle d’Abondance, n°472038