La livraison dans le cadre d’un marché doit-elle répondre à des formes particulières pour être valable ? C’est de manière indirecte la question à laquelle la cour administrative d’appel a eu à répondre dans un récent arrêt du 19 juin 2023.

En l’espèce il s’agissait d’un marché de prestations intellectuelles, dans le cadre duquel de nombreux litiges se sont élevés entre l’acheteur et le titulaire, conduisant à une mesure de résiliation. Mais avant ce terme fatal, le prestataire avait fait parvenir ses livrables via WeTransfer, sans avoir jamais de retour de l’acheteur sur leur conformité aux stipulations du marché et les suites qu’il entendait donner.

Sur ce point d’accroche particulier, la société se prévalait du CCTP du marché, qui prévoyait qu’en cas d’inertie de l’acheteur, la « livraison » était réputée conforme à l’expiration d’un délai de 10 jours.

Mais encore eut-il fallu que cette livraison existe… L’envoi des livrables via We Transfer pouvait-elle être considérée comme une « livraison » ?

Le juge aurait pu s’en tenir aux prescriptions expresses du CCAP, qui prévoyait l’envoi des livrables sur support numérique ET sur support papier, pour rejeter l’argument selon laquelle le délai de 10 jours avait pu commencer à courir. Mais, curieusement, la cour a tenu à ajouter que :

« En outre, l’expression  » en deux exemplaires numériques  » implique l’envoi du livrable sur un support physique, de type clef USB ou disque gravé. La simple mise à disposition d’un lien vers un site commercial de transfert de fichiers informatiques ne pouvait dès lors enclencher ce délai de dix jours ».

Dommage pour la société, qui dès lors ne peut pas prétendre à la rémunération de sa prestation, mais qui au demeurant, pourrait de plus se voir appliquer de lourdes pénalités de retard (sur le caractère abusif des pénalités, voir notre dernière actualité « Les pénalités iniques, c’est pas automatique ! »).

CAA Marseille, 19 juin 2023, n° 21MA02598