Dans un arrêt du 31 mai 2024, la cour administrative d’appel de Nantes est venue apporter un éclairage précieux sur l’étendue du droit à indemnités de l’entreprise déchue, lorsque son contrat est annulé.
En l’espèce, une commune avait conclu seize marchés de travaux pour la construction d’un ensemble immobilier à usage de loisirs et de réunion. Cependant ces marchés avaient été annulé par la tribunal administratif à la suite d’un déféré préfectoral (= recours du préfet), en raison d’une erreur manifeste dans l’appréciation des besoins.
Les entreprises privées de leur marge financière et ayant entamé les travaux ont naturellement recherché la défense de leurs intérêts devant le juge administratif.
La CAA rappelle qu’en l’occurrence le prestataire dont le contrat est annulé peut prétendre :
- à l’indemnisation des dépenses utiles, sur le fondement de l’enrichissement sans cause ;
- à l’indemnisation de tout dommage résultant d’une faute de l’administration, sur le fondement de la responsabilité pour faute.
Dans le cadre de l’enrichissement sans cause, nul besoin de prouver une faute de l’acheteur et peu importe également que l’entreprise en ait commis une (avant la signature du contrat) : il s’agit d’un droit objectif.
Cependant la notion de « dépenses utiles » est alors strictement appréciée, et en l’occurrence la cour rappelle qu’il s’agit uniquement des dépenses engagées, autrement dit et grosso modo : le prix du contrat (-) la marge bénéficiaire.
Ainsi, l’entreprise s’étant fondé uniquement sur le prix du marché, sans chiffrer la part de dépenses utiles, le juge rejette sa demande.
(Pour aller plus loin : voir notre article « Enrichissement sans cause et sous-traitance »).
Dans le cadre de la responsabilité pour faute, la cour rappelle qu’ici la faute de l’entreprise peut venir amoindrir l’étendue de la responsabilité de l’acheteur. Elle ajoute que la faute de l’acheteur qui l’oblige à réparer le préjudice subi, ne doit pas avoir exercé une influence sur l’attribution du contrat… et pour cause ! Car si faute il n’y avait pas eu, contrat il n’y aurait pas eu et donc droit à indemnité pour annulation du contrat il n’y a pas. Il y aurait ici un défaut de lien de causalité entre la faute et le préjudice.
Or, en l’espèce, l’erreur manifeste dans l’appréciation des besoins par la commune (commande disproportionnée au regard des nécessités du service et de ses moyens de financement) est jugée avoir eu une influence déterminante sur l’attribution du contrat… La conclusion est sévère. Car si elle a bien eu une influence sur le choix de contracter ou non, elle n’a en revanche eu aucune incidence sur le choix de l’identité de l’attributaire.
L’entreprise rentre chez elle les mains dans des poches vides…